La Méditerranée se porte de mieux en mieux
La Méditerranée se porte mieux qu'il y a 25 ans sur les côtes provençales et corses là où des efforts d'assainissement et de protection ont été réalisés, affirme Nardo Vicente, spécialiste de la Grande Bleue au retour d'une campagne sur des lieux déjà explorés voilà un quart de siècle.
"La Méditerranée est malade à cause des hommes depuis très longtemps mais aujourd'hui dans certains secteurs elle se porte beaucoup mieux grâce aux efforts consentis par ces mêmes hommes", explique à l'AFP le Pr Vicente, universitaire de renom et directeur scientifique de l'Institut océanographique Paul Ricard dans le Var.
"Il reste beaucoup à faire, surtout pour le traitement des eaux usées" sur tout le pourtour méditerranéen, tempère-t-il alors que le gouvernement prépare un Grenelle de l'environnement. Mais "si on fait des efforts en matière d'épuration et de protection de certaines espèces et leur habitat, la vie reprend toujours le dessus".
A 71 ans, ce savant qui a travaillé avec Alain Bombard ou Jacques-Yves Cousteau est parti cet été trois mois avec le cinéaste sous-marin Christian Pétron, 62 ans, à bord du Garlaban, trois-mâts de l'Institut Paul Ricard réarmé en navire scientifique. Une quinzaine de scientifiques ont participé à l'expédition "Biodiversité de la Méditerranée".
Après 60 plongées et 35 heures de tournage, les images, montrées cette semaine à Marseille, reviennent sur les lieux de leur premier film en 1980, "Pollutions et nuisances sur le littoral méditerranéen", qui avait contribué à sensibiliser l'opinion.
Outre le bétonnage des côtes et l'aménagement des rivages qui ont ravagé les herbiers de posidonies (prairies sous-marine), "à l'époque tout allait à la mer sans aucune épuration", se souvient le Pr Vicente qui avait perdu une molaire après une infection attrapée en plongeant à la sortie des égouts de Toulon.
"Aujourd'hui, c'est plus propre" à Toulon, après la mise en service d'une station d'épuration en 1997, ou à Marseille, équipé dix ans auparavant. Mais le Pr Vicente regrette les rejets en surface et préconise des rejets en profondeur ou mieux: le recyclage de l'eau dans la lutte anti-incendies ou l'arrosage comme à Sainte-Maxime (Var).
"La destruction de milliers d'hectares de posidonies est irréversible à l'échelle humaine", déplore-t-il, et la prairie sous-marine reste menacée par le bétonnage, les ancres des plaisanciers et l'absence d'épuration comme à Saint-Jean-Cap-Ferrat ou dans la baie de Naples.
Mais quand des efforts sont faits, souligne le scientifique, apparaissent des indices de récupération: "on voit se former une pelouse d'herbe sous-marine, la cymodocée" en rade de Marseille.
La quinzaine de sites explorés prouvent que "dès que l'on protège, la vie reprend le dessus, quelques hectares suffisent". Dans les sanctuaires comme la réserve de Monaco, le parc national de Port-Cros ou la réserve de Scandola en Corse, "la vie est exubérante".
La population de mérous, protégés depuis une quinzaine d'années, est en pleine expansion. Et la population de corbs, un poisson qu'on pensait disparu dans les années 1980, est maintenant très dense dans les zones protégées.
Reste que "les effets du changement climatique sont réels". Avec une élévation moyenne de 0,7 degré en 50 ans des eaux de la Méditerranée, la composition du plancton évolue, sa production se décale, l'écosystème évolue. Des espèces "lessepsiennes" --du nom de Ferdinand de Lesseps-- arrivent de mer Rouge par le canal de Suez et le barracuda renforce sa présence.