pesticides et santé humaine
Dataviz Réalisé par l'Office français de la biodiversité (OFB) et le service de la Donnée et des études statistiques (SDES) du ministère de la Transition écologique et solidaire. Un outil de visualisation qui retrace l’évolution des ventes de produits phytosanitaires par département (période disponible : 2009 – 2021) et qui renseigne sur la répartition des achats à l’échelle du code postal pour la période la plus récente (2015-2018). |
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T, T+, CMR: substance toxique, très toxique, cancérogène, mutagène, reprotoxique |
mancozebe, chlorothalonil, folpel, chlortoluron, isoproturon, aclonifen |
- Pour la période 2018-2020, quatre axes stratégiques prioritaires ont été retenus :
- air ambiant en population générale et pour des populations spécifiques dont les riverains de zones agricoles ;
- expositions et impact chez les professionnels agricoles ;
- abeilles et autres pollinisateurs ;
- biodiversité et milieux (sol).
Signalement d'effets indésirables liés à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques
Dans chacune des études citées ci-dessous, il convient de bien distinguer :
- Les populations professionnelles exposées : ce sont les personnes qui travaillent directement au contact des pesticides, c'est à dire dans leur manipulation agricole ou industrielle, dans e mélange des produits et leur transport (activités à haut risque puisque les produits ne sont pas encore dilués), l'application, la gestion des containers vides...
- La population générale, exposée de façon beaucoup plus diffuse. Il est alors très difficile de hiérarchiser les voies d'exposition. Cependant, quelques populations à risques ont été identifiées. Il s'agit de la femme enceinte, de l'enfant qu'elle porte. De même, le bébé peut être contaminé par le biais du lait maternel.
Il faut également tenir compte du fait que le terme "Pesticides" regroupe un grand nombre de molécules de toxicité variable pour l'homme. En effet, certains produits peuvent présenter une toxicité aigüe importante mais être éliminés facilement par l'organisme et, à l'inverse, d'autres substances peuvent avoir une toxicité aigüe plus faible mais peuvent s'accumuler dans l'organisme et induire des effets à plus long terme.
Les effets aigüs dans les populations professionnelles exposées :
Le réseau français de toxivigilance agricole a mené une expertise de 1991 à 1998. Elle concernait 514 dossiers qui signalaient des effets indésirables observés chez des professionnels utilisateurs de pesticides. Le rapport révèle : - 75 % des cas relèvent du secteur agriculture - élevage (cultures-cibles les plus représentées : céréales, vigne et légumes) - Les produits les plus souvent incriminés sont les insecticides (31,3%) puis les fongicides (30,4%) et enfin les herbicides (18,5%). - Les voies de contamination suspectées sont respiratoires (52,5%), cutanées (49%), conjonctives (17%) et digestives (6,5%). - Les symptômes cliniques observés sont : des brûlures chimiques au niveau des yeux, des lésions cutanées, des effets neurologiques et/ou des troubles hépatiques. |
Pesticides et Cancers
La plupart des études menées sur des populations agricoles ont montré des taux de mortalité, toutes causes confondues, inférieurs à ceux de la population générale. Cette moindre mortalité serait due : à des taux de mortalité inférieurs pour certains cancers dont les plus fréquents (poumons, vessie) et pour les maladies cardio-vasculaires, à un mode vie sain (alimentation, activité physique...).
Cependant, certains cancers peu fréquents dans la population générale, ont été montrés en excès dans la population agricole. De ce fait, le GRECAN (Groupe Régional d'Etudes sur le CANcer) a lancé une série d'études concernant cette population agricole : Etudes PestExpo et Agrican. La première phase d'Agrican a débuté en 2005 par l'envoi d'un questionnaire très détaillé à plus de 600.000 personnes. Les résultats n'ont pas encore été publiés.
Des études, menées au Canceropôle d'Ile-de-France, ont établi la fréquence de différents cancers dans la population des agriculteurs. L. MULTIGNER a notamment établi un lien entre pesticides et cancer de la prostate. Sur ce document, on constate : - que les populations agricoles présentent globalement moins de cancers que la population générale. C'est particulièrement net pour les cancers du poumon et de l'oesophage, - que certains cancers, par contre, présentent une fréquence élevée dans les populations agricoles. C'est le cas des lymphomes (myélomes, leucémies, Hodgkin) NB : Les 2 couleurs (rouge et jaune) correspondent aux résultats de 2 études distinctes. |
Source : L. Multigner (http://www.canceropole-idf.fr/images/stories/pdf/diapospesticidesetcancersmultigner1.pdf).
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On constate que un des types de cancer particulièrement présents chez les agriculteurs sont les lymphomes. Ils correspondent à une prolifération anarchique des lymphocytes qui s'accumulent dans des régions particulières (ganglions, rate ou moelle osseuse) et créent des tumeurs.
Etalement sanguin chez un sujet normal (lymphocytose comprise en 1500 et 3200/mL) |
Etalement sanguin chez un homme de 67 ans présentant une hyperlymphocytose Les lymphocytes sont petits, nombreux (> 4500/mL) et persistant sur plusieurs examens au-delà de 6-8 semaines. |
En France, 10.000 nouveaux cas de syndromes malins non hodgkiniens (un type de lymphome) sont diagnostiqués chaque année et ce chiffre ne cesse de croître : L'incidence en France a augmenté en moyenne de 3% par an entre 1980 et 2005. On a montré, par ailleurs, que les agriculteurs constituaient une population où le développement de ce cancer était particulièrement élevé.
Une étude (INSERM-631, CNRS-UMR 6102) a donc été mise en place : elle a consisté à effectuer le suivi de 128 agriculteurs sur 10 ans. Suite à cette étude, le "Lien entre Pesticides et Cancer" a été établi.
Il a été mis en évidence, chez ces derniers, la fréquence relativement élevée d'une translocation chromosomique (voir ci-contre). Alors que cette anomalie est présente dans moins d'une cellule sur un million dans la population générale, elle l'est mille fois plus fréquente chez ces agriculteurs.
Des études in vitro et in vivo ont effectivement montré que les pesticides ont la proprité de pouvoir casser l'ADN et donc de favoriser les translocations. |
La Recherche Déc.2009 - n°436 |
Les chromosomes 14 et 18 des lymphocytes B échangent par erreur de l'ADN. Le gène bcl-2 se retrouve ainsi associé au chromosome 14. Il va alors être surexprimé, aboutissant à la synthèse massive d'une protéine impliquée dans l'inhibition de la mort cellulaire.
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Conséquence : Cette translocation aboutit à la synthèse massive d'une protéine qui inhibe la mort cellulaire. Ainsi, les cellules normalement destinées à la mort survient de façon prolongée.
⇒ Les agriculteurs possèdent donc des populations de lymphocytes B avec une survie prolongée par rapport à la moyenne. Cette longue durée de vie augmente les risques qu'ils subissent une ou plusieurs autres altérations génétiques leur conférant, par exemple, la capacité de se multiplier, autre caractéristique des cellules cancéreuses.
♦ Concernant la population générale : Les études sont nettement moins nombreuses et celles réalisées auprès des populations professionnelles ne peuvent être extrapolées à la population générale (manipulations moins fréquentes, voies de contamination différentes...). De plus, la méthodologie épidémiologique à appliquer est encore incertaine, controversée.
Pesticides et Maladies neurologiques
Un peu d'histoire .... Au début des années 80, un neurologue californien a diagnostiqué un syndrome parkinsonien chez de jeunes toxicomanes utilisant une drogue donnant naissance à une puissante neurotoxine : le MPTP (1- méthyl - 4 - phényl - 1, 2, 3, 6 - tétrahydropyridine, sous produit de la mépéridine (opiacées). Chez l’homme, il détruit les neurones dopaminergiques de la substance noire. C’est ainsi qu’est née l’hypothèse qu’une substance présente dans l’environnement peut induire la maladie de Parkinson. De plus, on a par la suite constaté que la structure moléculaire du MPTP était très proche de celle de certains pesticides, notamment les organochlorés.
Des études ont donc été menées pour montrer la corrélation éventuelle entre pesticides et survenue de la maladie de Parkinson.
[ Un dossier complet sur la Maladie de Parkinson (aspects biologiques, traitements, étiologie, épidémiologie..) est disponible sur le site INRP-Acces.]
Les dernières études valident cette corrélation : le risque de développer une maladie nerveuse dégénérative de type parkinson est accru pour les populations ayant manipulé des pesticides durant leur vie professionnelle.
Une unité de l'INSERM, dirigé par Alexis ELBAZ [A.Elbaz et al, Annals of Neurology, 2009] a mené l'étude récente suivante :
- Comparaison de 224 patients parkinsoniens (affiliés MSA : Mutualité Sosciale Agricole) avec 557 personnes non atteintes mais également affiliés MSA,
- Couverture de 71 départements français,
- Prise en compte (questionnaires) de la durée et la fréquence d'utilisation, techniques d'épandage des pesticides
- 29 familles de molécules de pesticides.
Voici comment Alexis ELBAZ résume les résultats de cette étude : "Chez les agriculteurs ayant épandu des pesticides durant leur carrière, nos résultats indiquent que le risque de développer la maladie de Parkinson est multiplié par 1,8 par rapport aux personnes qui n'ont pas utilisé ces produits. De plus, nous montrons que ce risque augmente avec leur durée et leur fréquence d'utilisation [...] Le risque de développer la maladie de Parkinson est multiplié par 2,4 chez ceux qui ont triaté leurs cultures avec des insecticides organochlorés". Notons que les organochlorés (ex : DDT, lindane) ont été très utilisés en France jusque dans les années 1990mais sont désormais interdits.
Les pesticides traversent la barrière hématoencéphalique et provoquent un stress oxydatif dans les cellules (comme d'autres agents : métaux lourds, rayonnements, infections bactériennes...) On parle de "stress oxydatif" lorsque la balance entre la production des radicaux libres et leur destruction physiologique est positive, c'est-à-dire en présence d'un excès de radicaux libres (anion superoxyde(O2-), le radical hydroxyl (OH-), l’oxyde d’azote (NO) et autres molécules (peroxynitrite(NO3-), peroxyde d’hydrogène (H2O2). Or, il se trouve que les neurones dopaminergiques (les premiers touchés dans la maladie de Parkinson) sont très sensibles au stress oxydatif. Ceci a été montré par des études in vitro ou sur des animaux de laboratoire : la présence de radicaux libres dans ces espèces chimiques très agressives peut provoquer la mort des neurones, notamment en perturbant les mécanismes respiratoires comme le fait la roténone, un insecticide utilisé pour reproduire les symptômes de la maladie de Parkinson chez la souris. |
Photo : Marc Savasta - INSERM Grenoble |
Neurones de la substance noire chez un individu sain.
Raréfaction des neurones à dopamine de la substance noire chez un individu atteint de la maladie de Parkinson. |
Concernant l'exposition à faible dose aux pesticides qui concerne la population générale via l'air, l'eau ou l'alimentation, A. ELBAZ souligne qu'aucune conclusion ne peut être avancée à ce jour : des études complémentaires sont nécessaires.
Pesticides et Troubles de la reproduction
Historique : Dans les années 1960-1970, l'utilisation du dibromochloropropane (DBCP, nématocide) dans de nombreux pays des zones tropicales a donné lieu, dans le cadre d'expositions professionnelles, à des dizaines de milliers de cas de stérilité masculine. Rapidement, d'autres molécules (chlordécone, carbaryl, 2,4-D) ont donné lieu à des observations bien documentées sur leurs effets délétères sur la fertilité masculine. Ces substances seraient susceptibles d'induire des malformations de l'appareil génital masculin ou des modifications du comportement sexuel. Ces effets pourraient s'exercer au cours du développement de l'appareil génital pendant le développement embryonnaire en interférant dans les mécanismes de différenciation des gonades et dans les mécanismes de régulation endocriennne gonadique.
L. MULTIGNER précise que, désormais, les travaux concernant les expositions aux pesticides actuellement employés présentent des résultats plus nuancés et contradictoires et qu'il est difficile d'établir des conclusions formelles.
- Les études d'impact explorent 4 domaines principaux :
L'infertilité - La mort foetale et avortement spontané - La prématurité et l'hypotrophie - Les malformations congénitales
Les indicateurs utilisés sont :
- La qualité spermatique (concentration, mobilité, morphologie). C'est l'indicateur le plus étudié.
- Le délai nécessaire à la conception : s'exprime par le TTP (time-to-pregnancy)
- Le ratio de fertilité : il correspond au rapport de fécondité d'une population d'hommes professionnellement exposés sur une population de référence non exposée.
- Les indicateurs relatifs aux cycles menstruels des femmes : allongement des cycles, métrorragies, aménorrhées...
Ces études doivent tenir compte aussi de la période à laquelle a eu lieu l'exposition, du sexe de la personne et du produit incriminé. Les problèmes de méthodologie sont nombreux : caractérisation des expositions, participation aux cohortes basée sur le volontariat, effectifs assez faibles, auto-évaluation rétrospective des expositions et/ou des effets...
- Les résultats de plusieurs études menées sur des populations exposées montrent : (source : Rapport de l'ORS Bretagne)
♦ Concernant la qualité spermatique : Les données recueillies sur la qualité spermatique (ROEVELD) montrent certains effets négatifs qui suggèrent que les pesticides peuvent altérer la spermatogenèse. Cependant, les mécanismes d'action demeurent inconnus.
♦ Concernant les délais à concevoir : les travaux sont peu développés et il est difficile d'apporter une conclusion. Cependant, des études récentes suggèrent une augmentation du risque d'un délai à concevoir supérieur à 12 mois chez les femmes primigestes, travaillant en serre. Dans le même domaine, on note, pour la population masculine, une baisse du ratio de fécondité pour la conception du premier enfant chez les hommes travaillant en serre ou préposés à l'entretien des espaces verts.
♦ Concernant le cycle menstruel : Les résultats suggèrent une corrélation entre exposition aux pesticides et un allongement des cycles et la survenue d'aménorrhées ou des saignements intermenstruels. Ceci est particulièrement attesté pour des produits tels que le lindane, l'atrazine.
♦ Concernant le développement embryonnaire et foetal : Les résultats sont contradictoires selon les auteurs.
Selon BRETVELD, les études menées ne montrent pas de corrélation entre exposition aux pesticides et altération du développement.
Pour TESTUD, WASELAK ou NORBY , des travaux récents montrent une augmentation de l'incidence de certaines malformations (malformations cardiaques, membres réduits, fentes labiopalatines, anomalies génitales chez les garçons, anomalies de fermeture du tube neural, anencéphalie). Néanmoins, aucun produit n'a pu être spécifiquement identifié. Quant à BRETVELD, il observe une augmentation du risque d'avortements chez les femmes primigestes travaillant dans les serres.
- Quelques données exprimentales :
Des études expérimentales ont été menées sur des coqs, le ra.
♦ L'administration de DDT à de jeunes coqs entraîne la modification des caractères sexuels secondaires et l'atrophie des testicules.
♦ On a observé un effet stimulant des organochlorés (méthoxychlore) sur la croissance utérine chez le rat ou la souris. Des expériences in vitro ont complété cette étude en montrant que ces molécules sont capables de se fixer à des récepteurs hotmonaux et ce, sans qu'elles présentent obligatoirement des similitudes structurales avec l'hormone naturelle.
- Les études menées auprès de la population générale :
Les résultats présentés sont là encore contradictoires. Les résultats présentés par CLEMENT ne confirment pas que les zones rurales (a priori les plus exposées) présentent un facteur de risque pour la fertilité. L'étude de SWAN montre, par contre, une corrélation entre la concentration urinaire en métabolites de pesticides (de l'atrazine, de l'alachlore, du diazinon) et une qualité spermatique affaiblie.
D'une manière générale, la méthodologie de ces études, peu nombreuses, est complexe et controversée. Là encore, des études complémentaires sont nécessaires.
Conclusion
On constate que, quels que soient les effets étudiés (cancers, troubles neurologiques ou de la reproduction), il est assez difficile de cerner les effets des pesticides sur la santé. Il existe 3 raisons principales pour expliquer cela :
- Le terme "Pesticides" regroupe un grand nombre de molécules à considérer aux usages et aux effets toxicologiques variés,
- La seconde difficulté est liée au caractère multifactoriel des pathologies évoquées, tels que les cancers.
- La multiplicité des voies d'exposition et les faibles niveaux de contamination qui rendent difficile la quantification de l'exposition. Toutes les études actuelles montrent que la principale difficulté rencontrée est l'évaluation, la quantification des expositions.
Bibliographie
- La Recherche - Sept.09 n°433 - p.30 : "Les pesticides doublent le risque de maladie de Parkinson"
- La Recherche - Déc.09 n°436 - p.61 : "Pesticides et cancers chez les agriculteurs"
- La Recherche - Déc.09 n°436 - p.62 : "Entre pesticides et cancers, le lien est établi"
- Pour la Science - Juil.09 : "Maladie de Parkison : les pesticides incriminés"
- Publication APBG (Nov.08) : "Les perturbateurs endocriniens et la fertilité"
- Publications de l'Observatoire Régional de Santé de Bretagne (ORS-Bretagne) :
- Janv.2001 : "Effets chroniques des pesticides sur la santé : Etat actuel des connaissances".
- Mai 2010 : "Pesticides et santé : Etat des connaissances sur les effets chroniques en 2009".
- Observatoire des Résidus de Pesticides (ORP) : "Exposition de la population générale aux pesticides"