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Le mod�le agricole breton : Jean Renard G�ographe, Universit� de Nantes |
Au lendemain de la Deuxi�me guerre mondiale l�Ouest, et en particulier la Bretagne, est consid�r� � juste titre comme un espace agricole qui pr�sente tous les stigmates d�une r�gion en retard, profond�ment paysanne, vivant encore en quasi autarcie, sous urbanis�e, sous �quip�e, et poss�dant des morphologies agraires inadapt�es � la motorisation . Aujourd�hui tout a chang�. En un demi-si�cle, une v�ritable r�volution s�est accomplie. Une agriculture d�entreprise, industrialis�e et ouverte sur le monde a remplac� l�agriculture de subsistance et paysanne, tandis qu�un puissant r�seau d�IAA structure et accompagne le mouvement. Le syst�me d�intensification agricole, port� par des initiatives endog�nes, s�est tr�s largement diffus�. Il a abouti � faire de l�Ouest la premi�re r�gion agricole fran�aise et un p�le aux dimensions europ�ennes. Toutefois, apr�s une p�riode d�euphorie, ponctu�e par l�accroissement spectaculaire des rendements et des productions, et un d�veloppement solidaire et partag�, une d�rive s�est produite au tournant des ann�es 1970-80. Elle a abouti � creuser les �carts entre les producteurs, les productions et les r�gions. Le mod�le productiviste mis en place a en outre conduit � des cons�quences n�fastes sur la qualit� des eaux, les paysages et l�environnement. Crises et conflits se sont multipli�s dont on peut dresser la chronologie et les �tapes. Ce qui provoque une remise en cause du syst�me et l��mergence de mod�les alternatifs plus respectueux des milieux et socialement plus justes, dans une perspective dite d�agriculture durable. L�expos� sera conduit en cinq points. En un premier sont rappel�es les caract�ristiques de l�agriculture dans l�Ouest au lendemain de la derni�re guerre. Puis est examin�e la mise en mouvement des ann�es 1950-60. L�essor de l�intensification et la p�riode cl� des changements et des succ�s de l�agriculture dans l�Ouest entre 1960 et 1980 sont analys�s au travers de quelques chiffre mesurant les �volutions. La d�rive productiviste et la rupture de l�unit� paysanne au tournant des ann�es 1980 constituent le quatri�me point. Enfin, � partir du d�but des ann�es 1990 la remise en cause du mod�le breton et les multiples voies alternatives qui tentent d��merger sont d�crites.
LA MISE EN PLACE DU SYSTEME INTENSIF : LE " MODELE BRETON".
1. 1950 : une agriculture r�gionale largement en retard. Vis-�-vis des autres r�gions agricoles du pays et par rapport aux moyennes nationales, tant pour les syst�mes de production que pour les �quipements, l’Ouest est globalement une r�gion en retard. Elle cumule les traits de retards relatifs. C’est le r�sultat d’une longue histoire. D�j� au XVIIIe si�cle, les observateurs avaient not� ces aspects archa�ques. L’agriculture de l’Ouest se caract�rise par le maintien quasi g�n�ral d’une agriculture de subsistance qui s’exerce dans le cadre de petites exploitations familiales. La r�gion est pauvre, sous �quip�e, sous-urbanis�e, et les sols m�diocres. On peut cependant nuancer ce constat s�v�re. Il y a eu entre 1850 et 1900 un essor consid�rable des surfaces cultiv�es par la mise en valeur des marais et surtout le d�frichement des landes. C. Can�vet parle � juste titre de la mise en place d’un � mod�le agrarien intensif �, li� � la pression d�mographique, au r�le positif d’un bon nombre de grands propri�taires retir�s sur leurs terres, f�rus d’agronomie et soucieux de faire valoir leurs biens. (...). La suppression progressive de la jach�re, l’introduction des plantes sarcl�es � d�voreuses de main d’œuvre � mais assurant de gros rendements, l’accroissement du nombre d’animaux et la diffusion des engrais organiques, favorisent l’�mergence d’un syst�me de polyculture-�levage. En revanche, il est vrai, entre 1900 et 1950, les progr�s mat�riels sont plus lents. Il y a eu comme une ankylose avec l’ach�vement de la mise en place des bocages et la persistance d’une �conomie agricole autarcique. C’est par excellence un syst�me de subsistance et d’autoconsommation. Les exc�dents d�gag�s sont faibles, sauf exceptions localis�es de quelques syst�mes de production (cultures l�gumi�res), et sont vendus sur les march�s et foires des bourgades par un syst�me de ramassage artisanal. M�me si des Bocages normands � la Vend�e et du Finist�re � la Mayenne on peut trouver des formes diverses et vari�es d’ouverture sur le march� national. C’est cependant l’autonomie, l’autarcie, le repliement sur l ‘�conomie locale, l’exploitation de la main d’œuvre familiale, et la petitesse des outils de production qui sont les faits dominants. On a donc l’affermissement d’un syst�me agricole fond� sur une �conomie paysanne qui se perfectionne et �volue mais sans remise en cause des traits fondamentaux : � Non sp�cialis�e, autonome, fortement utilisatrice de main d’œuvre, chaque exploitation combine polyculture et �levage en faisant un peu de tout en fonction des besoins familiaux � (Can�vet, p.93). Ces traits s’accompagnent de conditions d’existence mat�rielles difficiles et d’une accumulation des retards dans l’�quipement (eau, �lectricit�, voirie, motorisation). Les paysages agraires, marqu�s par la petitesse des parcelles et la fine mosa�que des cultures, expriment cet �tat de fait. Mat�riellement et culturellement on pourrait presque dire, comme l’affirmait A. Siegfried � propos des bocages vend�ens (Le Figaro du 17 juillet 1950) que l’Ouest est en 1950 � un morceau oubli� de la France du XIXe si�cle �. 2� La mise en mouvement Tout change � partir des ann�es 50-60. Il va y avoir rupture du syst�me, alors pouss� � bout. Deux raisons principales sont � l’origine de la mise en mouvement. La diffusion des progr�s techniques, notamment l’irruption de la motorisation qui va bousculer et exiger la remise en cause des structures paysag�res adapt�es au seul mode de traction animale, mais aussi la prise en charge de la rupture par une partie des agriculteurs ouverts au progr�s d�s l’entre-deux-guerres par le mouvement de la JAC (Jeunesse Agricole Chr�tienne). C’est cette conjonction de forces qui va bousculer le syst�me �tabli. La carte de la r�partition des implantations des groupes de la JAC des ann�es 1950-55 dessine les p�les de d�veloppement qui vont peu � peu s’affirmer. Modernisation technique et solidarit� sociale sont donc � l’origine de la mutation agricole de l’Ouest. La diffusion des progr�s techniques port�e par l’agriculture de groupe (CETA, GVA), la sp�cialisation des ateliers de production, l’�mergence des �levages industriels hors-sol, la motorisation, les premiers remembrements, forment une cha�ne d’entra�nement dans laquelle le r�le des personnalit�s joue un r�le essentiel. Les lois d’orientation agricole de 1960-62, dites Debr�-Pisani, vont r�pondre aux attentes de la frange moderniste des jeunes agriculteurs de l’Ouest. Elles vont acc�l�rer l’am�lioration des structures d’exploitation, mais aussi favoriser l’�coulement des exc�dents des productions intensives, avec la mise en place des groupements de producteurs qui vont prendre en charge et faciliter la mise en march�. C’est une p�riode euphorique dans la mesure o� les progr�s techniques sont porteurs d’am�lioration des modes de vie, de croissance des revenus, le tout avec l’espoir partag� d’une solidarit� v�cue et de promotion individuelle. Les cons�quences sont l’essor remarquable des productions, mais aussi la disparition d’une grande partie des ateliers et de la main d’œuvre exc�dentaire. La restructuration ne pose pas de probl�mes dans la mesure o� les emplois se trouvent dans l’industrie qui accompagne la mutation des exploitations, ou dans les villes. 3� Les �tapes de l’intensification agricole dans l’Ouest : un succ�s ind�niable. Cette p�riode de forte croissance des productions s’accompagne de l’illusion que les solidarit�s � l’œuvre, port�es par l’id�ologie d’une modernisation partag�e, vont b�n�ficier � tous. En r�alit� l’�clatement du syst�me de polyculture-�levage et le passage de l’�conomie paysanne en une �conomie d’entreprise va provoquer des ruptures. En un premier temps, la prise encharge de la mutation par les forces endog�nes des jeunes agriculteurs issus de la JAC, le mythe de la solidarit� et l’illusion d’un mod�le intensif profitable � tous, vont masquer les r�alit�s de ruptures et de cassures au sein du syst�me productif. Mais en un deuxi�me temps, la multiplication des laiss�s pour compte du progr�s, le d�lestage des hommes, le processus d’int�gration et la mise en place du complexe agro-alimentaire, ce qui a �t� r�sum� par C. Can�vet sous la formule de � l’industrialisation de l’agriculture � vont provoquer des cassures au sein des agriculteurs. Entre les exploitations paysannes traditionnelles qui survivent et les exploitations modernis�es disposant d’une taille �conomique suffisante et dont les responsables ont su prendre pr�cocement le train de la modernisation, vont appara�tre des multiples formes d’exploitations, tenues souvent par de jeunes paysans �pris de modernisme et soucieux de solidarit� qui vont tenter de prendre le train en marche, en faisant de nouveaux choix dans les productions et en investissant au del� souvent du raisonnable. Il en r�sulte une succession de crises d’adaptation ponctu�es de manifestations violentes soutenues par des organisations syndicales fortement implant�es et pris en main par la frange moderniste des agriculteurs. Un temps, une relative unanimit� va r�gner et un courant progressiste fait passer les r�formes des structures et l’organisation collective, en prenant le pouvoir des syndicats d�partementaux et des chambres d’agriculture. C’est la p�riode euphorique des ann�es 60-70. Mais rapidement appara�tront au sein du syndicalisme des forces antagonistes , entre les FDSEA align�es sur les positions de la FNSEA nationale et les courants plus contestataires, autour des paysans-travailleurs, qui fusionneront en 1987 dans la Conf�d�ration paysanne, cette derni�re majoritaire en Loire-Atlantique, et un temps dans le Finist�re. Parall�lement � ces nouvelles stratifications sociales et � ces divergences syndicales au sein du monde agricole, et les expliquant largement, on assiste � une concentration des exploitations et � leur sp�cialisation. L’organisation est d�sormais en fili�re, chacune ayant sa logique, ses implantations privil�gi�es, ses formes d’int�gration, ses crises. Aviculture, lait, porcs, viande, l�gumes, etc. Chaque fili�re a ses propres groupements, son propre r�seau d’entreprises coop�ratives et priv�es. Ce sont les industries agro-alimentaires ou IAA qui constituent l’ossature et l’implantation des ateliers industriels conditionne la r�partition des producteurs. Les exploitants sont peu ou prou transform�s en ouvriers � domicile � qui on apporte les mati�res premi�res et qui doivent en retour fournir un produit fini aux conditions �dict�es par l’industriel et bient�t par les grandes surfaces commerciales situ�es � l’aval. Certes les formes d’int�gration varient selon les lieux et les entreprises, mais le processus est identique. Plus imm�diat dans les hors-sols, en aviculture et dans l’�levage porcin, il existe aussi dans les autres productions. Il en r�sulte une d�connection de plus en plus r�elle entre le milieu rural proche et ces exploitations int�gr�es qui peuvent recevoir soja ou ma�s de l’�tranger et dont les produits sont vendus sur le march� mondial. Un acteur du changement l’a constat�e : " la d�rive de l’agriculture bretonne a commenc� quand elle a perdu le lien au sol " ( Pochon, 1998)
Les succ�s de cette mutation agricole sont ind�niables et illustrent la r�ussite de la PAC et de la mise en œuvre des lois d’orientation de 1960-62. Le mod�le intensif a atteint ses objectifs : les productions sont consid�rablement accrues, la s�curit� des approvisionnements est assur�e ainsi que la stabilit� des prix pour les consommateurs. Quant � la r�mun�ration des producteurs, un syst�me complexe d’aides et de primes vient suppl�er ou compl�ter les revenus procur�s par les productions vendues par l’exploitant. Jusque dans les ann�es 1970 la modernisation de l’agriculture dans l’ Ouest se fait sans v�ritable rupture dans le corps social. Il y a accroissement des productions par la hausse des rendements permise par la motorisation, la diffusion des engrais et de la s�lection, la r�volution fourrag�re. L’am�lioration de la vie mat�rielle des exploitants par la g�n�ralisation des �quipements (eau, �lectrification, voirie, remembrement) soutient et explique le succ�s du nouveau mod�le de d�veloppement. En m�me temps des mesures sociales en faveur des agriculteurs �g�s, des reconversions vers d’autres emplois et les restructurations des exploitations trop petites amortissent les effets sociaux de la modernisation. Toutefois les premi�res d�chirures du tissu agraire apparaissent avec le constat d’un accroissement des �carts et in�galit�s entre les producteurs, les productions et les r�gions. D’o� les tensions qui s’expriment par les crises r�currentes et les pouss�es de violence en parall�le avec le d�lestage du nombre des exploitations et des populations agricoles. L’abandon du syst�me de polyculture-�levage au profit de la sp�cialisation par fili�re et de l’int�gration des productions et des exploitations par le complexe d’entreprises agro-alimentaires qui se met en place, c’est-�-dire le processus d’industrialisation de l’agriculture, va bouleverser le tissu rural de l’Ouest. En particulier la multiplication des �levages hors-sols de volailles et de porcs va provoquer par leur accumulation des cons�quences en cha�ne, notamment sur la qualit� des eaux, la biodiversit�, les paysages. Parall�lement on assiste � l’invasion des terres par le ma�s, quasi inconnu dans l’Ouest � la fin des ann�es 1960, et au recul de l’herbe. Le processus de sp�cialisation est ind�niable. En 1996 la structure de la production agricole finale en Bretagne repose pour 29% sur le porc, pour 23% sur le lait et pour 21% sur les volailles (Mah�, 2000), Il s’agit en Bretagne pour l’essentiel d’une production de masse de produits de base. Ce processus s’accompagne de la concentration et de l’agrandissement des ateliers de production. C. Can�vet en a fait un examen pr�cis. Quelques exemples significatifs peuvent �tre repris pour illustration. Dans la fili�re porcine en Bretagne (1) on passe en 1966 de 88 000 producteurs, 687 000 porcs, et un �levage moyen de 7,8 porcs, � moins de 13 000 producteurs, 3 431 000 porcs et un �levage moyen de 265 t�tes en 1988 ! Le nombre de producteurs de lait est pass� de 1950 � 1986 de 190 000 � 45 000. Quant aux producteurs de poulets, ils n’�taient plus en 1989 que 2235, mais chacun avait des effectifs moyens de 130 000 t�tes. Et le mouvement de concentration ne fait que se poursuivre (2). C’est cette d�rive qu’il s’agit de d�crire et d’en comprendre les raisons et les cons�quences. 2 La d�rive productiviste2.1. De la productivit� au productivisme Avant d’aller plus loin dans l’analyse, il faut s’entendre sur les termes et les d�finir. Qu’entendre par productivisme et agriculture productiviste ? N’abuse t-on pas de cette expression, dans quel sens pr�cis faut-il l’utiliser, et l’agriculture de l’Ouest r�pond-elle � ces crit�res de d�finition ? Selon les conclusions de l’Acad�mie d’agriculture de France l’expression, couramment utilis�e depuis les ann�es 1970, d�signe une agriculture qui, pour produire toujours plus et � bas co�t met en œuvre des techniques qui provoquent un certain nombre de dommages sur la qualit� des aliments (organoleptique et sant�), et sur les sols et les eaux (lisiers, engrais, pesticides). En outre, par l’accumulation d’exc�dents qu’il faut soit d�truire, soit exporter sur les march�s agricoles des pays pauvres, elle contribue � ruiner leurs paysans. Ce type d’agriculture contribue �galement � �liminer un grand nombre de producteurs au profit d’une minorit�, de plus en plus r�duite. Le terme a pris une connotation n�gative et p�jorative. Le productivisme accompagne l’accroissement des rendements, la sp�cialisation des exploitations, la mono-production, l’int�gration par les industries d’amont et d’aval. Dans ce processus, l’exploitant n’est plus qu’un maillon, le plus faible et le plus fragile, d’une cha�ne � logique industrielle. Dans ce type d’agriculture, l’exploitant a perdu son autonomie et accro�t consid�rablement ses charges (intrants). Le tournant, et le passage d’une agriculture intensive et modernis�e ma�tris�e par les agriculteurs de l’Ouest, en un syst�me productiviste qui ne consiste plus simplement � satisfaire les besoins et � assurer la s�curit� alimentaire, mais dont la logique est de produire des surplus et des exc�dents, avec le moins de main d’œuvre possible, se fait autour de 1970. Jusqu’alors les agriculteurs de l’Ouest avaient su et pu concilier la rationalit� technico-�conomique et la recherche de la performance, avec l’imp�ratif de justice sociale et de solidarit�. Le projet de modernisation, port� � la fois par les jeunes form�s au sein de la JAC et par les services de l’Etat, consistant � conduire parall�lement l’am�lioration des structures, les aspects sociaux, la croissance des productions et des revenus, va se briser. 2.2. La rupture de l’unanimit�. La r�ussite, mesur�e en terme de volume de production, est donc socialement in�quitable. Elle est en contradiction avec l’utopie de la solidarit� pr�n�e par la JAC et l’humanisme chr�tien. C’est ce constat qui conduit aux affrontements entre deux courants syndicaux au sein de la profession. Les uns, soutenus par la FNSEA au plan national, voient dans la recherche d’une productivit� d�brid�e, ce que l’on a baptis� le mod�le breton productiviste, les moyens de s’en sortir �conomiquement, quitte � accumuler les exc�dents et les surplus. Ils acceptent la baisse drastique du nombre des exploitations, et jouent � fond la carte de l’exportation (� le p�trole vert � selon l’expression du pr�sident Giscard d’Estaing en 1974). Les autres, plus soucieux de justice sociale et du maintien des densit�s agricoles, militent en faveur d’exploitations familiales de taille raisonnable gr�ce � l’organisation coop�rative et des groupements de producteurs. Les premiers sont partisans d’un lib�ralisme temp�r� par les soutiens du march� r�gul� par l’Etat. Les derniers sont en faveur de la prise en compte en priorit� des r�alit�s sociales. L’Ouest sera, jusqu’� aujourd’hui, le champ de bataille privil�gi� entre ces deux courants. 2.3.Les atteintes au milieu. Le triomphe du mod�le agricole breton caract�ris� par une remarquable intensification et une productivit� accrue s’accompagne aussi d’une remise en cause des �quilibres environnementaux. Les doses utilis�es en engrais, pesticides et autres phytosanitaires portent atteinte � la qualit� des eaux. Les arasements des haies et talus et la mise en place d’un parcellaire aux grandes mailles g�om�triques banalisent les paysages et les transforment pour les mettre aux normes d’une agriculture industrialis�e d’entreprise, alors m�me que de nouveaux besoins, port�s par les ruraux non agricoles et les citadins, d�sormais majoritaires dans l’espace rural, expriment de nouvelles demandes de l’ordre de la repr�sentation et de l’esth�tique. D�s 1969, l’Association pour la Protection et la Promotion du Saumon en Bretagne (APPSB), qui deviendra en 1983 Eau et Rivi�res de Bretagne, lance le premier cri d’alerte. Ce n’est pas fortuit que ce soit une association de p�cheurs qui la premi�re prend conscience des pollutions engendr�es par les exc�s de nitrates et de pesticides. Des scientifiques, regroup�s d�s 1958 dans la Soci�t� d’Etude et de Protection de la Nature en Bretagne (SEPNB), relaient ces alarmes et les justifient par des �tudes. Une longue pol�mique met en cause les proc�dures du remembrement dans les d�g�ts constat�s sur le milieu naturel : sols, biodiversit�, inondations. Ce n’est pas le principe ou la finalit� du remembrement qui est contest�, mais les moyens et techniques utilis�s, et l’absence du principe de pr�caution au profit du seul regroupement des patrimoines. Longtemps contest�es les atteintes au milieu naturel sont d�sormais reconnues. A la fin des ann�es 1990, en Bretagne, les 933 000 bovins, les 8 millions de porcs et les 369 millions de volailles de chair auraient produit une quantit� totale de d�jections d�passant de 35% les capacit�s naturelles de r�sorption des sols et cultures. L’exc�dent d’azote de 136 000 tonnes �tant � l’origine des pollutions de l’eau par les nitrates et responsable des 70 000 m3 d’algues vertes ramass�es sur les rivages chaque ann�e. Quant � la culture du ma�s, elle entra�ne �galement des atteintes au milieu par ses besoins en eau d’irrigation, la mise � nu des sols une partie de l’ann�e et l’utilisation trop massive de produits phytosanitaires. 2.4. De moins en moins d’exploitations. La sp�cialisation et la concentration se poursuivent dans la mesure o� l’on a privil�gi� le volume de production par exploitation. En 2002, il n’y a plus que 7 500 �leveurs porcins en Bretagne qui produisent annuellement 14, 3 millions de porcs, soit en moyenne 2 000 porcs par producteur. Le m�me mouvement se poursuit en aviculture et dans la fili�re lait. La concentration fonci�re et �conomique ne semble pas avoir de limites. Et l’utopie de voir demain quelques centaines d’exploitations agro-industrielles tout au plus pour l’ensemble de l’Ouest par fili�re est en passe de se r�aliser. Les r�sultats du recensement agricole en l’an 2 000 ont confirm� les tendances. 2.5. L’int�gration dans le complexe agro-industriel. Dans le contexte de concurrence et de mondialisation, l’exploitation familiale est le maillon faible. Le pilotage de la sph�re agricole se fait par l’aval. Directement expos� � la concurrence l’agriculteur de l’Ouest ne peut s’en sortir que par un syst�me d’aides � l’exportation, de subventions, de restitutions, mis en place par la PAC. Il n’emp�che, les crises sont r�currentes. Apr�s une grave crise porcine qui a encore �limin� nombre d’exploitations au tournant du si�cle, c’est la fili�re avicole qui voit en 2002 ses effectifs se r�duire. Et en 2004 les propositions des industriels de baisser le prix du lait relance les manifestations des �leveurs. Il y a bien, comme l’avait pressenti A. Pochon une d�connection de plus en plus radicale avec l’environnement et les terroirs. Ce processus de d�territorialisation de l’agriculture productiviste telle qu’elle est con�ue dans l’Ouest fait qu’il n’y a plus de relations au territoire dans une agriculture dont les intrants viennent d’ailleurs et dont les produits sont destin�s au march� mondial. Le cas des hors-sols est patent. On peut imaginer des ateliers de ce type, ob�issant au seul crit�re de rentabilit�, se d�localiser vers les mati�res premi�res. La firme Doux, l’un des grands transformateurs de la production de volailles, ne vient-elle pas de s’implanter au Br�sil ? La puissance du complexe agroalimentaire est un �l�ment cl� du syst�me mis en place. Il faut rappeler que 25% des salari�s de l’Ouest sont dans les IAA, et que le taux peut aller jusqu’� 40% comme en Cornouaille. Le pilotage du syst�me agricole par l’aval, de plus en plus pr�gnant au fil du temps, explique en large partie les caract�ristiques des �volutions et les d�rives constat�es. Ce ne sont plus les exploitants issus de la JAC qui d�terminent la politique agricole des fili�res, mais ce sont les industriels de l’agro-alimentaire. En r�sum� le mod�le agricole breton mis en place consiste en une transformation radicale d’un syst�me de polyculture-�levage en un syst�me de fili�res sp�cialis�es. Sa dynamique et sa logique vont entra�ner son succ�s et sa diffusion g�ographique. Mais la recherche de la productivit� qui �tait n�cessaire pour sortir de la p�riode de p�nurie dans laquelle se trouvait l’agriculture de l’Ouest de la France en 1945-1950 est devenue une fin en soi. Elle tourne au productivisme. L� est la d�rive. 3. Les tentatives de remise en cause du mod�le. Les crises dans l’agriculture intensive et productiviste dont l’exemple breton est le mod�le ne sont plus seulement �conomiques et sociales, elles sont d�sormais de l’ordre des domaines alimentaires, sanitaires et environnementaux. Il y a un d�lestage du nombre des outils d’exploitation et des agriculteurs qui modifie le tissu rural, mais il y a aussi une banalisation des productions standardis�es, produites au moindre co�t, et qui permettent certes de s’alimenter � bas prix mais non pas de se nourrir au sens gustatif et convivial. C’est l’�re du poulet standard, du surimi, du jambon sous plastique. En outre, les risques sanitaires n�s de ce mode de production se multiplient. Apr�s les poulets aux hormones, c’est la crise de l’ESB (3) qui atteint en premier lieu les �levages de l’Ouest, les dangers de la dioxine, la listeria, la peur des OGM. Quant aux cons�quences sur l’environnement, il suffit de reprendre la carte des cantons en exc�dent structurel (4) , correspondant aux aires dans lesquelles les taux de nitrates sont trop �lev�s en fonction des normes �dict�es par l’Europe pour constater les effets de la concentration des �levages. L’�pandage des lisiers de porcs devient un enjeu foncier consid�rable. Et l’ajout des fientes de volailles et des d�jections bovines montre que l’on a souvent d�pass� les seuils tol�rables. Face � ces constats, deux attitudes, deux pratiques et deux logiques se font jour. Soit en tente de ma�triser les effets sur l’environnement et la sant� tout en continuant dans la logique de l’agriculture productiviste dont on essaie de corriger les d�bordements. Soit on tente une remise en cause radicale du projet agricole. On retrouve un peu les divisions qui avaient agit� et divis� le monde rural de l’Ouest � l’aube des ann�es 1960 entre une vision �conomique de promotion individuelle et une vision plus sociale et plus solidaire du d�veloppement. 3.1. L’am�nagement du syst�me productiviste. 311. Le r�le de l’Etat Il est ambigu. La r�forme de la PAC de 1992, faisant passer le syst�me des prix garantis � des aides directes en fonction des surfaces et des volumes de production, et le montant diff�renci� des primes, par exemple celle du ma�s fourrage vis-�-vis de la prime � l’herbe, n’a fait que proroger le syst�me productiviste dans l’Ouest. Certes toute une panoplie de mesures dites agro-environnementales a �t� propos�e. Le bilan pour l’Ouest a �t� dress� (Croix, 1997). Si le programme �tait ambitieux et complexe, les r�sultats sont r�duits. Quelques centaines de contrats ont �t� sign�s (1696 pour les trois r�gions de l’Ouest en 1993-1994).Vis-�-vis des aides PAC aux cultures, le montant financier est d�risoire. Tout repose sur le volontariat et les contrats sont � la parcelle. En revanche, un ambitieux programme de ma�trise des pollutions d’origine agricole (PMPOA) vise � la reconqu�te de la qualit� de l’eau. Des aides financi�res sont distribu�es aux �leveurs afin de mieux g�rer la fertilisation azot�e, d’am�liorer l’�pandage des lisiers et de valoriser les d�jections. La construction d’ouvrages de stockage, l’imperm�abilisation d’aires b�tonn�es, la s�paration des eaux pluviales et des eaux us�es, doivent permettre cette ma�trise. Un premier plan date de 1993 en faveur de 35 000 �levages. Un deuxi�me plan date de 2002, il s’applique uniquement aux zones prioritaires mais tous les �levages sont concern�s. A ce titre, toute la Bretagne est class�e vuln�rable au titre de la directive nitrates. Un plan d’action pour un d�veloppement p�renne de l’agriculture et de l’agroalimentaire et pour la reconqu�te de la qualit� de l’eau en Bretagne a �t� sign� par les diff�rents partenaires en janvier 2002. Ce programme baptis� � Bretagne eau pure � entend limiter les fuites d’azote et de produits phytosanitaires, mettre aux normes les �levages et am�liorer les pratiques agricoles par une fertilisation raisonn�e. L’accord a �t� rapidement d�nonc� par des associations �cologistes au vu des premi�res mesures. La Bretagne comprend d�sormais 71 cantons class�s en ZES. Confin�s au d�part aux r�gions les plus intensives du Finist�re et des C�tes d’Armor, les cantons class�s en ZES gagnent vers l’Est. Entre 1995 et 2002 le nombre de cantons class�s en ZES en Ille et Vilaine passe de 6 � 18. D�s 1995 le ministre de l’environnement demande aux pr�fets d’y suspendre les nouvelles autorisations de cr�ation ou d’extension des �levages. L’interdiction sera constamment r�affirm�e. Preuve sans doute de son inefficacit� ? En fait, d�s 1995 des exceptions sont accord�es pour les jeunes agriculteurs qui s’installent. Puis en 1998 la marge des effectifs suppl�mentaires autoris�s est �largie aux �levages familiaux � dimension �conomique insuffisante. D�but 1999 on estime que 45% des �levages porcins �taient en situation irr�guli�re. Un bilan dress� en 2001 estime le taux d’ach�vement du programme PMPOA � 21%, alors que le programme devait �tre boucl� en 1999 ! Il y a eu 310 millions d’euros engag�s au titre de la lutte contre la pollution de la ressource, or la qualit� des eaux ne t�moigne d’aucune am�lioration significative. Et il n’y a pas eu de r�gularisation quantitative des cheptels. C’est sur la question de l’�pandage que les diff�rents programmes engag�s depuis 1993 montrent les plus grandes faiblesses. Les contr�les des parcelles d’�pandage et la m�thode d’identification des parcelles � risques se heurtent aux r�ticences des principales organisations agricoles qui contestent les dispositions r�glementaires. Force est de constater la lenteur de mise en œuvre, sinon l’�chec de ces plans. Le r�cent rapport de la cour des comptes paru en mai 2004 sur la pr�servation de la ressource en eau face aux pollutions d’origine agricole en Bretagne, est tr�s s�v�re : � L’inapplication de la r�glementation au cours des ann�es 1994-2000 appelle un jugement s�v�re… il est vrai qu’une telle politique reviendrait � infl�chir un mode d�veloppement �conomique qui compte encore de nombreux partisans �. Un livre paru sous la signature d’un membre du conseil d�partemental d’hygi�ne d’Ille et Vilaine (Piquot, 2001) ) d�nonce les passe droits et les autorisations d’extension des �levages syst�matiquement accord�es. Il n’est donc pas �tonnant que la puissante association Eaux et Rivi�res de Bretagne qui avait accept� de participer � la charte Bretagne eau pure, s’en retire, devant les r�ticences des organisations agricoles � accepter les pr�conisations de l’Etat. 312 - L’agriculture raisonn�e pour adapter le syst�me? Un collectif s’est mis en place en 1993 sous le nom de FARRE (Forum de l’Agriculture Raisonn�e Respectueuse de l’Environnement) � l’�chelle nationale. Le r�seau est n� de l’initiative de la FNSEA et de l’UIPP (Union des Industries de Produits Phytosanitaires) et est soutenu par l’administration agricole. Il est pr�sid� par Madame Lambert, ex-pr�sidente national des jeunes agriculteurs (CNJA) et exploitante dans le Maine et Loire. Ce r�seau collabore avec l’agroalimentaire et la grande distribution (Auchan). Il est pr�sent dans l’Ouest, avec une petite centaine d’exploitations. Les agriculteurs adh�rents ne remettent pas en cause le syst�me intensif et le mod�le productiviste. Ils entendent, par un cahier des charges pr�cis, �viter de nuire � l’environnement par des pratiques raisonn�es d’utilisation des engrais, des produits phytosanitaires et de conduite des syst�mes de production. Fort d’un bon millier de membres � �chelle nationale il agit par des rencontres et pr�ne une vision �conomique des exploitations. C’est, si l’on peut dire, un retour aux pr�ceptes de bon sens et de bonne conduite des exploitations, dont on peut l�gitimement s’�tonner qu’ils aient �t� abandonn�s. La Coordination Rurale, mouvement syndical oppos� � la FNSEA, estime � que l’agriculture raisonn�e n’est qu’une machiav�lique machination mise au point par l’industrie et la grande distribution pour conserver les �normes b�n�fices que leur procurent la PAC actuelle et le syst�me productiviste qu’elles ont construit, le danger est l'int�gration totale de l'agriculture par l'amont et l'aval". Il n’y a pas dans l’agriculture raisonn�e une remise en cause du syst�me existant mais une adaptation. On a pu parler � son propos d’une � approche technicienne (Feret, 2001). Il en va diff�remment d’autres mouvements 3.2. La remise en cause du syst�me. Si chacun s’accorde � reconna�tre la non durabilit� du syst�me productiviste � long terme du fait des atteintes qu’il porte � l’environnement, comment en sortir ? Y a t-il une ou des formes alternatives viables, �conomiquement et socialement ? 3.2.1. Les tentatives de syst�me alternatif. Peut-il y avoir, face � l’industrialisation de l’agriculture de l’Ouest et � la diffusion du mod�le dit breton, un mod�le alternatif de type paysan ? Et si oui quelles sont les pratiques et les logiques qui permettraient de le mettre en œuvre ? Un pionnier en la mati�re a �t� A. Pochon, form� par la JAC et qui tr�s pr�cocement, � la fin des ann�es 1970, refuse le syst�me de culture fond� sur le ma�s au profit d’un syst�me reposant sur l’herbe et le tr�fle. Le � syst�me Pochon � d�crit dans les ouvrages �crits par son promoteur entend resituer aux sols l’azote et pr�ne un retour � l’herbe. Selon ce praticien, le ma�s-fourrage pauvre en prot�ines exige d’�tre compl�t� par du soja. Le ma�s est en outre tr�s exigeant en eau, et, dans le syst�me intensif de ma�s sur ma�s, le sol laiss� � nu en hiver est vuln�rable � l’�rosion et au lessivage. Des groupes locaux vont se constituer dans le Centre-Bretagne dans les ann�es 1970. En 1980 22 structures sont rep�r�es (Del�age 2004). La prise de conscience du refus du mod�le productiviste accompagne les mouvements sociaux et les crises , celle du lait en 1972, la question des quotas en 1986, les crises r�currentes du porc, les affrontements avec les industriels. Ce mouvement social conduit � la mise en place d’un r�seau, ce sera le RAD. 3.2.2. Le r�seau agriculture durable. Il porte en lui une autre philosophie. Il s’agit pour ses promoteurs de remettre radicalement en cause le syst�me productiviste en place au nom d’une autre logique. Il s’agit de refuser tout autant le retour au pass� que la modernisation telle qu’elle est con�ue et pratiqu�e, et qui conduit � l’�limination des paysans et � la d�connection avec l’environnement local. Il s’inscrit donc dans une vision dite d’agriculture durable, expression � la mode s’il en est, et qu’il s’agit, comme pour le syst�me productiviste de bien d�finir et d�limiter . N� en 1994, il est pr�sent dans les douze d�partements de l’Ouest. En quoi l’agriculture pr�n�e par le RAD, qui regroupe environ 2 000 exploitants dans l’Ouest en 2004, se diff�rencie de l’agriculture conventionnelle, tant au plan technico-�conomique qu’au plan de la durabilit� ? Ce mouvement pr�ne le retour � l’herbe, l’abandon du ma�s, et du recours aux farines animales et aux engrais azot�s, selon le mod�le d’A. Pochon. L’int�r�t des exp�riences men�es dans le cadre du RAD est de d�montrer que les modifications introduites dans le syst�me d’utilisation du sol conduisent � am�liorer la performance �conomique des exploitations. Deux cas concrets de ces syst�mes alternatifs ont donn� lieu � des r�sultats publi�s (Jouin, 1999 ; Alard et Beranger, 2002). Si les rendements � l’unit� gros bovin ou � l’hectare ont diminu�, la baisse des charges fait plus que compenser cette diminution, et au total le revenu par t�te a augment�, avec une quantit� de travail abaiss�e. Surtout, ces exp�riences associent une meilleure conduite des exploitations et une volont� de p�renniser les mani�res de produire, avec une vision sociale et solidaire, un souci �thique du d�veloppement, la pr�servation du milieu (eaux, sols, paysages) et le maintien de la biodiversit�. Qui sont ces agriculteurs qui remettent radicalement le syst�me en cause et o� sont-ils localis�s ? Proches ou militants de la Conf�d�ration paysanne, ils ont souvent eu des exp�riences hors de l’agriculture ou du milieu local. Leurs parents ont souvent �t� militants de la JAC. Ils sont en rupture avec un mod�le dont ils ont �prouv� les r�sultats. Soucieux de vivre autrement leur m�tier, ils �changent leurs exp�riences et constituent des groupes de r�flexion. Leur r�partition g�ographique montre leur dispersion sur l’ensemble de l’Ouest. Certes il y a des secteurs privil�gi�s, souvent d’anciens fiefs de la JAC des ann�es 60, mais les analyses manquent pour faire une synth�se. 3.2.3. L’utopie d’une alliance paysans-consommateurs. Le RAD entend aller encore plus loin. Ses adh�rents d�fendent l’id�e d’une prise de conscience des consommateurs en faveur des m�rites de leur syst�me et ils pr�nent une alliance entre paysans et consommateurs. Les formes de diversification de l’agriculture dans l’Ouest sont plus complexes que la simple opposition entre agriculture raisonn�e et agriculture durable. Elles ont �t� rapidement examin�es dans leurs pratiques, leurs acteurs et leurs approches (Rialland, 2000). Elles comprennent la reconnaissance de l’agriculture biologique, mais aussi la multiplication des contacts entre agriculteurs et les autres ruraux, l’accueil � la ferme, les ventes directes, les productions fermi�res, les multiples formes du tourisme rural, la multifonctionnalit�. La recherche de la qualit� et des produits de terroir est une autre direction privil�gi�e qui rompt avec le syst�me productiviste. Une nouvelle dynamique sociale est donc � l’œuvre dans l’Ouest pour r�viser ou remettre en cause le syst�me productiviste. Elle prend des formes vari�es, g�ographiquement dispers�es, encore mal comptabilis�es et r�pertori�es. Alors que le syst�me productiviste opte pour des produits banalis�s et des productions standardis�es, les mouvements en faveur d’une agriculture diff�rente se retrouvent autour de la recherche de produits haut de gamme, avec des cahiers des charges portant sur le mode d’alimentation et d’�levage et l’origine g�ographique (AOC, IGP, labels). Ainsi les produits, dits de terroir, sont plus pr�sents en Pays de la Loire et Basse-Normandie qu’en Bretagne, ce qui refl�te le rapport des forces entre les types d’agriculture. Le r�seau Coh�rence, regroupe dans l’Ouest plusieurs dizaines d’associations, et coordonne les groupes d’agriculteurs ayant opt� pour une agriculture diff�rente du mod�le productiviste, comme le CEDAPA (Centre d’Etudes pour un d�veloppement agricole plus autonome) le GRAPEA (Groupe de recherche pour une agriculture �conome et autonome), les CIVAM (Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural) ou le RAD, mais �galement les associations de d�fenseurs de la nature et de consommateurs. Il publie une revue qui fait le point r�guli�rement des avanc�es des groupes constituant le r�seau. En 2004 une charte de l’agriculture paysanne reposant sur dix principes comme alternative � l’agriculture conventionnelle a �t� propos�e par la Conf�d�ration paysanne. A bien observer ce qui se passe dans l’Ouest � grande �chelle, on pressent les pr�mices d’une remise en cause du syst�me productiviste mis en place. Mais ce dernier conserve encore nombre de partisans. D’autant qu’il a pour lui une logique de succ�s, et qu’il est soutenu par le complexe industriel et la majorit� des organisations professionnelles. Les deux processus d’�volution, l’agriculture raisonn�e et l’agriculture durable, sont diff�rents. Le premier tient de la vulgarisation technicienne, selon une conception descendante, allant du technicien au paysan. Le deuxi�me rappelle la d�marche de la JAC des ann�es 60, et fait confiance et s’appuie sur les r�sultats d’exp�riences partag�es par les acteurs de la base. La reconnaissance et la diffusion des formes d’une agriculture durable ne s’affirmeront dans l’Ouest que dans le cadre plus vaste de d�veloppement durable de l’ensemble des territoires ruraux et des acteurs sociaux. Conclusion Ce qui caract�rise l’agriculture de l’Ouest est d’avoir r�ussi sa mutation, en passant d’une agriculture paysanne � une agriculture d’entreprise, sans modifier en profondeur ses structures. Le mod�le d’exploitation familiale modernis�e a conserv� des dimensions artisanales. Ceci est li� � la mise en œuvre de la PAC, � la volont� des organisations professionnelles r�gionales, et au complexe industriel agro-alimentaire qui organise les productions. Cette r�ussite a ses revers. D’une part, le mod�le mis en place provoque sur l’environnement des cons�quences en cha�ne dont la ma�trise n’est pas assur�e. D’autre part, au plan social il conduit � une f�roce s�lection. Une r�forme est n�cessaire. Tant de la PAC que des comportements des acteurs. Comme le souligne E. Pisani (2000, p.74-75) la PAC � s’est polaris�e sur la production ; elle n’est pas adapt�e � une �poque o� s�curit�, qualit� alimentaire et environnement pr�occupent l’opinion plus que la subsistance. Rien ne peut la r�habiliter. Elle doit �tre r�invent�e �. Ce processus qui conduit au remplacement d’un syst�me ou d’un mod�le par un autre est choses difficile. Il suffit de se souvenir des luttes des ann�es 60 dans l’Ouest pour diffuser et faire accepter le mod�le intensif. L’enjeu est de taille. La remise en cause du mod�le breton productiviste est n�cessaire. Localement certains s’y emploient. Mais trop s’y refusent. Bibliographie simplifi�e. Alard (V), b�ranger (C), Journel (M), 2002, A la recherche d’une agriculture durable. Etude de syst�mes herbagers �conomes en Bretagne, Editions de l’INRA, 340 p. Jouin (C.), 1999, De nouveaux paysans, une agriculture pour mieux vivre, Silo�, 150 p. |