Le projet de Grande Rivière Artificielle en Libye.
" … La Libye compte 5,7 millions d'habitants (estimation 2004) dont 90% sont répartis dans les agglomérations du littoral. Le reste du pays n'est que sporadiquement occupé. Le taux d'accroissement naturel de la population estimé entre 1995 et 2000 est de 2,2 % par an (Aquastat, 2005).
Les conditions climatiques sont caractérisées par une chaleur extrême et des pluies rares et irrégulières. Les régions désertiques et subdésertiques représentent 90% du territoire. Le climat méditerranéen prévaut sur la côte, avec des précipitations annuelles qui dépassent rarement 300 mm.
Le besoin annuel en eau du pays est aujourd'hui évalué entre 4 et 5 milliards de m3. cette demande ne peut être couverte qu'à hauteur de 2% par les eaux de surface, le reste dépendant des eaux souterraines…"
Source : ENGREF (Ecole Nationale du Génie Rurale des Eaux et des Forêts) - Synthèse technique d'Omar KHEDER – Fév.2007
http://www.agroparistech.fr/IMG/pdf/Kheder.pdf
Dans une interview consacré à la revue "Sources nouvelles – Actualités du secteur Eau et Assainissement", Omar M. Salem, président de l'Autorité Générale de l'Eau en Libye, déclarait :
"La Libye dépend à 98 % des eaux souterraines, non renouvelables pour une large part. Seuls quelques aquifères du nord, où les précipitations annuelles dépassent les 300 mm reçoivent une recharge. Afin de répondre aux besoins d'une population en forte croissance (6 millions d’habitants dont 80 % concentrés sur la bande côtière), ces aquifères ont été surexploités ; leur qualité s'en trouve de fait sérieusement détériorée. Cette situation justifie les importants transferts interbassins qui ont été mis à l'œuvre depuis 1983. Le programme GMR (Great Man made River, en français, la Grande Rivière Artificielle ) couvre aujourd’hui plus de 50 % de nos besoins domestiques."
Le projet engagé est pharaonique mais il fournit déjà, en 2007, 500.000 m3 d'eau par jour aux villes côtières du pays grâce à un réseau de canalisations de béton. En phase finale, 6 millions de m3 seront pompés chaque jour, soit plus de 2 milliards de m3 par an, chiffre apparemment considérable mais qui ne correspond qu'au débit d'une rivière moyenne en Europe (70 m3/s).
Source : "Le Courrier de l'UNESCO"
On pourrait paver une route de Tripoli à Bombay avec les 5 millions de tonnes de ciment qui ont servi à fabriquer les pipelines. Si l'on transportait ce réseau en Europe, le pipeline commencerait au sud de la Suisse, traverserait l'Allemagne, poursuivrait en Pologne et obliquerait vers l'Ouest jusqu'au nord de l'Ecosse.
En 1983, le président Kadhafi a annoncé officiellement le projet de la Grande Rivière Artificielle.
A la fin du projet, prévue pour 2010, la "rivière" s'étendra sur une longueur totale de 3.500 km. Les canalisations ont 4 m de diamètre, elles sont formées de tronçons cylindriques de 7,5 mètres de long et une masse de 80 tonnes ! Ces tubes sont fabriqués dans deux usines, l'une à Sarir, l'autre à Brega, employant chacune environ 2500 ouvriers coréens.
Elaboré pour permettre un développement sans précédent des surfaces irriguées, ce projet a répondu dans un premier temps aux besoins en eau potable, à Tripoli, notamment. Toutefois, le volet agricole est progressivement mis en oeuvre avec la création ou la revitalisation de périmètres irrigués.
Carte du projet Source : Revue "Dynamiques environnementales - Journal international des Géosciences et de l'Environnement"" |
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L'avenir du projet :
"En 2011, la « Grande Rivière Artificielle » est utilisée comme moyen de pression par Mouammar Kadhafi pendant le conflit libyen. L’OTAN détruit effectivement quelques sections des canalisations mais les causes de l’interruption de l’approvisionnement en eau à Tripoli en août 2011 sont en réalité multiples : la pénurie de fuel nécessaire au fonctionnement des pompes et le contrôle du réservoir de Tripoli par les forces de Kadhafi y ont également contribué. Les sanctions internationales n’ont pas facilité la remise en état du système, mais dès le 5 septembre 2011, 90 % de la population de Tripoli bénéficie à nouveau de l’eau de la « Grande Rivière Artificielle ».
L’avenir du projet est actuellement difficile à évaluer. La population dépend de l’eau transférée depuis le Sahara. Mais un usage agricole de l’eau fossile pourrait partiellement être remis en cause. La céréaliculture intensive sous climat aride nécessite un arrosage important et coûteux qui se répercute sur le prix du blé, plus élevé que lorsqu’il est importé. Mais le risque le plus élevé provient sans doute de la convoitise des grandes multinationales attirées par ces gigantesques réserves d’eau fossile. Le Fond Monétaire International (FMI) continue à promouvoir la privatisation de l’eau en Afrique et en fait encore une condition d’un soutien financier. La Libye, face aux besoins liés à la reconstruction du pays, pourra difficilement échapper aux pressions. Le résultat des expériences de privatisation de l’eau sur le continent africain est pourtant très mitigé (Tremolet, 2006)."
Source : Anne-Marie Meyer, La Grande Rivière Artificielle de la Libye : huitième merveille du monde ou folie d’un dictateur ? (2018)