L'eau, agent de transport
Le transport des produits issus de l'érosion peut être assuré par différents agents (ex : le vent, les glaciers) mais là encore, l'eau joue un rôle majeur. Il faut bien distinguer alors :
- Le transport des éléments en solution : c'est un aspect souvent négligé. Mais, en climat tempéré, une rivière de plaine transporte plus de matériaux en solution qu'en suspension (7 fois plus pour la Seine).
- Le transport des éléments solides : la quantité d'éléments transportés dépend des caractéristiques du fluide (propriétés hydrodynamiques) et de celles des éléments eux-mêmes (taille, forme, densité...). Il convient avant tout de rappeler quelques notions d'hydrodynamique.
1. Quelques rappels d'hydrodynamique
2. Différents cours d'eau et leur participation à l'érosion et au transport
2.1 : Les torrents
2.2 : Les rivières et fleuves
2.3 : Estuaires et deltas
Le fichier kmz téléchargeable ci-dessous, qui s'ouvre avec le logiciel Google Earth, permet de retrouver les lieux et les images évoqués ci-dessous.
Fiche d'aide simplifiée de Google Earth (version 5)
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L'eau transporte des matériaux détritiques, de taille très variable, en suspension et des éléments en solution. On distingue deux grands types d'écoulement :
► Les "eaux sauvages" : Ce sont les eaux qui, après la pluie, ruissellent au hasard et s'écoulent sur une pente. Leur action, en terme d'érosion et de transport, peut être importante si la quantité d'eau précipitée en un minimum de temps est forte. Cependant, la longueur du trajet est généralement faible et très vite, les filets d'eau se rassemblent et forment en chenal.
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Source : "Roches et Paysages" - François MICHEL (Ed. BRGM-Belin) |
Les "Cheminées coiffées" ou "Demoiselles coiffées" sont des reliefs très particuliers qui apparaissent le plus souvent dans des dépôts très hétérogènes (moraines, produits volcaniques) où de l'argile, des cendres ou des graviers "cimentent" de gros blocs. Le ruissellement des eaux sauvages effrite et détruit les crêtes mais, sous les blocs, le ciment est rendu plus compact et résistant par le poids énorme qui appuie sur lui. Ainsi, au fur et à mesure que les crètes s'abaissent, des colonnes subsistent à l'aplomb de chacun des gros blocs qui les coiffent.
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► Les "eaux canalisées" en torrents, rivières, fleuves...
1. Quelques rappels d'hydrodynamique
• Le débit d'un cours d'eau est le volume d'eau qui traverse une section pendant l'unité de temps (s'exprime gnéralement en m3.s-1). Par exemple, le débit moyen de la Seine à Paris est de 275 m3.s-1.
• Le débit solide (ou charge) est la quantité de matériel qui traverse la section pendant l'unité de temps. La charge moyenne du Rhône, par exemple, est de 4 000 t par jour (40 kg.s-1).
• La capacité d'un cours d'eau est la charge solide maximale que peut transporter un cours d'eau en un point donné, par unité de surface et par unité de temps.
• La compétence exprime la possibilité pour un cours d'eau d'entraîner un matériau de poids maximum, compatible avec sa vitesse. On peut donc dire que la capacité d'un courant est de 10.g-1.s-1 tandis que sa compétence est de 200 g.
• L'énergie développée par un cours d'eau , c'est à dire sa potentialité d'érosion, est donnée par un rapport sans dimension, le nombre de FROUDE (Fr) :
Fr = v.Ѵ(g.h) où v = la vitesse - g = la gravité - h = l'épaisseur de l'écoulement
Si Fr = 1, l'énergie de l'écoulement est minimum et il est alors dit "critique" - Pour Fr < 1, l'écoulement est tranquille (subcritique) et pour Fr > 1, il est rapide (supercritique)
• Les paramètres principaux d'un écoulement sont :
- la viscosité : elle est fonction de la quantité de matériaux transportés en suspension et en solution ;
- la vitesse : elle est fonction de la pente et de la viscosité du fluide. Il faut noter que la vitesse n'est pas constante sur une section de cours d'eau : elle est maximale un peu en-dessous de la surface et dans l'axe du cours d'eau et minimale sur le fond et près des berges.
Ainsi, un écoulement profond (plusieurs mètres, par exemple) a peu d'action sur le fond ; au contraire, un écoulement très superficiel (quelques décimètres) a une forte action érosive sur le fond qui est trop près de la surface. A vitesse égale en surface, l'action érosive des wadi (lits de rivières généralement assêchées, en milieu aride) est bien plus forte que celle des rivières des pays tempérés.
• Il existe différents types d'écoulement :
- l'écoulement laminaire : les filets d'eau sont parallèles entre eux, leur vecteur vitesse est identique : la surface de l'eau est lisse. La vitesse moyenne est égale à la vitesse instantanée.
- l'écoulement turbulent : les filets d'eau s'entrecroisent, des tourbillons apparaissent, les vecteurs vitesse sont variables en intensité, direction et sens. A un intant t, les particules d'eau ont des vitesses instantanées différentes : la vitesse moyenne de l'écoulement est égale à la somme algébrique des vitesses instantanées. Les variations de la vitesse instantanée en un point conditionne le déplacement d'un objet sur le fond : lorsque la vitesse augmente, l'objet est soulevé et entraîné ; lorsque la vitesse diminue, il tombe et l'objet saute, il tombe et saute (saltation).
- le passage de l'écoulement laminaire à l'écoulement turbulent dépend de la valeur du nombre de REYNOLDS, défini par la formule suivante : R = k . H.V / µ où h = hauteur de l'eau - V = vitesse moyenne - µ = viscosité L'écoulement turbulent se déclenche au-delà d'une valeur critique de ce nombre (500 < R < 2000): il est notamment provoqué par la présence d'obstacles ( ex : piles de ponts) |
- Ecoulement laminaire -
- Ecoulement turbulent - Source : "Eléments de géologie" - Ch. Pomerol-Y.Lagabrielle-M.Renard (Ed. Dunod) |
• La capacité et la compétence sont fonction de la vitesse et du type d'écoulement :
Les substances insolubles peuvent être transportées par flottaison si leur densité est inférieure à 1, par suspension dans la masse liquide, par roulement, saltation ou glissement au voisinage du fond.
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Source : "Eléments de géologie" - Ch. Pomerol - P.Bellair (Ed. Dunod) |
La probabilité d'entraînement d'une particule est fonction de sa taille et de l'énergie du fluide.
• Les domaines érosion - transport - sédimentation : le diagramme de HJULSTRÖM.
Par exemple, un grain de sable de 0,1 mm est érodé et transporté par un courant de vitesse supérieure à 20 cm/s ; il est encore transporté tant que la vitesse se maintient au-dessus de 2 cm/s puis se dépose lorsque la vitesse devient plus faible. Un courant de de 100 cm/s transporte les particules inférieures à 0,005 mm déjà en suspension, érode et transporte celles comprises entre 0,005 et 10 mm et laisse déposer celles supérieures à 10 mm. |
Source : "Eléments de géologie" - Ch. Pomerol - P. Bellair (Ed. Dunod) |
2. Différents types de cours d'eau et leur participation à l'érosion et au transport
2.2 : Les rivières et les fleuves
Ce sont des cours d'eau permanents qui prennent naissance à partir de sources de nappes (ex : Seine, Loire), de la fonte des glaciers (ex : Rhin, Rhône), de résurgence ou d'exutoires.
Ces cours d'eau convergent vers un fleuve qui se dirige soit vers l'océan (exoréisme), soit vers des lacs ou des lagunes (endoréisme).
• Le profil des rivières :
Le profil transversal : En s'enfonçant par érosion, les cours d'eau creusent des vallées qui, en terrain meuble et homogène, prennent un profil transversal en "V". En terrains plus durs (calcaires, granites), l'enfoncement est vertical (gorges, canyons...)
Le profil longitudinal : on distingue généralement le cours d'eau supérieur où la rivière peut être torrentielle : l'érosion est alors prédominante ; le cours d'eau moyen (transport) et le cours inférieur (transport et sédimentation) dans une plaine alluviale.
• Le lit des cours d'eau :
Dans les cours d'eau inférieur, la rivière ou le fleuve occupe un lit restreint, non stabilisé, qui peut varier d'emplacement selon les crues : c'est le lit mineur (ou lit d'étiage). Il est souvent limité par des berges couvertes de végétation ou consolidées par l'Homme.
Lors des crues, le cours d'eau peut déborder hors du lit mineur et peut recouvrir en partie la totalité de la plaine alluviale : il délimite alors le lit majeur.
• Le transport des particules :
Selon leur énergie, dépendante du climat (pluies) et de la pente, les fleuves et rivières peuvent transporter une charge de fond (graviers, galets) plus ou moins importante.
Quand la charge de fond est importante (lors des crues), le fleuve charrie des galets qui feront son lit majeur. La largeur du chenal est très grande par rapport à sa profondeur. En période d'étiage, se forme un réseau anastomosé, dit "en tresses" : le fleuve se compose d'une série de bras légèrement curvilignes, reliés les uns aux autres. Quand la charge de fond est plus faible, le fleuve prend un cours en méandres ou rectiligne. Lorsque les méandres sont cantonnés au lit majeur, ils migrent vers l'aval, par fermeture des boucles et formation d'un délaissé de forme arqué qui se colmate et se comble peu à peu lors des crues.
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Source : "Eléments de géologie" - Ch. Pomerol, d'après Campy, Macaire et Delcaillau |
Dans les fleuves et les rivières, les "barres" sont des accumulations de galets et de graviers (charge de fons laissé par une crue) en relief dans un chenal. La disposition des barres renseigne sur l'énergie potentielle du cours d'eau.
Les méandres que peuvent former un cours d'eau sont des lieux de dépôt particuliers. En effet, dans un méandre (profil du haut et du bas de la figure1), l'érosion se produit sur la rive concave, à pente raide, là où la vitesse du courant est la pus grande. Le dépôt se réalise sur la rive convexe, là où la vitesse du courant est la plus faible, formant une terrasse alluviale (ou barre de méandre). Le couple érosion - dépôt entraîne une migration latérale du méandre causant alors un élargissement de la vallée.
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- Figure 1 - Source : Cours P.A Bourque - Univ. Laval (Québec) |
Source : "Eléments de Géologie" - Ch. Pomerol - Y.lagabrielle - M.Renard |
• Les terrasses :
Une terrasse apparaît à chaque fois que les rivières ou fleuves s'encaissent dans leurs propres alluvionss : la surface de l'ancien lit majeur est alors "suspendue" au-dessus du fleuve et forme une terrasse. Si le phénomène se reproduit plusieurs fois, on obtient des terrasses étagées, la plus basse étant toujours la plus récente.
Au niveau des embouchures de fleuves, deux milieux aux caractéristiques différentes sont mis en présence :
- l'un fluvial, d'eau douce dont le chenal d'écoulement a une dimension finie et qui transporte des particules solides et des ions en solution ;
- l'autre marin, donc salé, qui prend en charge les éléments transportés.
La nature de cette zone de contact dépend à la fois de la charge détritique des eaux douce et de l'énergie déployée par les courants marins pour les déblayer.
• Les estuaires : ce sont des embouchures dans les mers à courants côtiers et à courants de marées importants. Il y a le plus souvent pénétration du milieu marin en milieu continental. L'eau de mer prend directement le relais concernant le transport des matériaux.
On observe une coagulation des boues et dépôt de vases ("bouchon vaseux"). Ceci est lié à la présence d'eau de mer qui joue le rôle d'un électrolyte mais aussi à d'autres facteurs (ondes de marées, vagues, différence de densité...). De l'eau de mer ajoutée à une suspension colloïdale opalescente clarifie cette suspension.
• Les deltas :
La morphologie, l'évolution d'un delta est sous la dépendance de 3 facteurs et l'importance relative de ces facteurs permet de distinguer différents types de deltas :
- La marée. Si ce facteur est dominant, il détermine des embouchures évasées (de type estuarien) avec d'importants replats de marées et des barres sableuses rectilignes dans l'embouchure (ex : delta du Gange). Dans une mer sans marée, par exemple, le delta peut résulter du barrage et de l'ensablement d'une baie ou d'un estuaire préexistant : la côte est alors rectiligne (ex : delta du Nil).
- Les effets de houle. Ils sont à l'origine d'une dérive littorale de part et d'autre de l'embouchure et il s'édifie alors des cordons littoraux parallèles à la côte qui emprisonnent des étangs (ex : delta du Rhône).
- La dynamique fluviatile : Si elle est prédominante, elle engendre un delta digité (en forme de patte d'oiseau) avec développement de chenaux en éventail bordés de levées (ex : delta du Mississipi). La sédimentation et la subsidence y sont très importantes.
Les grands deltas, très stables, comblent des golfes entiers et atteignent des épaisseurs considérables : le delta du Pô avance de 70 m par an, celui du Mississipi comprend 11 000 m de sédiments quaternaires et augmente son volume de 2 millions de tonnes par an; celui du Gange se projette de plus de 1 000 km dans l'Océan Indien.
Voir aussi :
♦ Mini et maxi deltas (PlanetTerre - P. Thomas et V. Godard)
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