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Magmatisme et subduction

Mise à jour le 21/07/2015
Par Nathalie Pajon-Perrault
Cette page résume l'essentiel des connaissances à maîtriser dans le cadre du programme de Terminale S mais permet aussi d'approfondir certains points (les marqueurs géochimiques, par exemple) et de constater que, concernant l'origine des magmas, la science évolue....

1. Le volcanisme des zones de subduction

2. Caractéristiques pétrographiques des roches

3. Caractéristiques géochimiques des roches

4. La genèse des magmas

5. Les mécanismes d'évolution des magmas

6. La science en marche....

Volcan Colima - Mexique ouest

 

1. Le volcanisme des zones de subduction

Les volcans des zones de subduction représentent une longueurs cumulée de 30.000 km dont 25.000 pour le pourtour Pacifique.

Il sont le siège d'éruptions de type Péléen-Plinien.

Comme le montre la classification de Walker (ci-contre), la fragmentation et la dispersion des produits est importante, ce qui rend ces éruptions particulièrement explosives et dangereuses.

 

walker

           - Cliquer sur les images pour les agrandir -

       E.plinienne

                                                            E.peleenne

 Les produits émis résultent d'une fragmentation du magma : on observe donc l'émission de gaz qui contiennent des morceaux de solides (bombes volcaniques, cendres).

En profondeur, les gaz sont dissous sous l'effet de la pression. Quand le magma remonte, la pression diminue et les gaz ne restent pas à l'état dissout : il y a exsolvation sous forme de bulles dont le nombre et la taille augmente quand le magma monte. Le liquide est alors fragmenté.

 

 

 gaz solubilite

Un exemple : l'éruption du Mont-St Helens..... 

 Les volcans des zones de subduction se concentrent dans des chaînes parallèles à la fosse de subduction.

Ils se situent à environ 110 km à l'aplomb du toit de la lithosphère océanique subductée.

La largeur de l'arc est inversement proportionnelle à l'angle de subduction : plus la pente de subduction est forte, plus l'arc volcanique est étroit.

largeur arc

► On peut donc supposer que la production magmatique est contrôlée par des réactions pression-dépendantes.

 

- Isobathes des toits du panneau plongeant (Uyeda, 1991) -

 

2. Caractéristiques pétrographiqueS des roches magmatiques des zones de subduction habituelles

Les principales roches volcaniques des zones de subduction sont :

  - les andésites,

  - les dacites,

  - les rhyolites.

Comme on le constate sur la classification ci-contre, ce sont des roches particulièrement riches en silice.

classif RV

- Classification des roches volcaniques - (CRPG - Nancy)

Andésite

  Cette roche est l'équivalent volcanique de la diorite. Elle est typique de la série calco-alcaline des zones de convergence continent-océan

Dacite

  Cette roche est l'équivalent volcanique de la granodiorite. Elle se distingue minéralogiquement de l'andésite par la présence de quartz.

 Rhyolite

  Cette roche est l'équivalent volcanique du granite.

 andésite

(Caraïbes - Montagne Pelée)

Lithothèque - ENS Lyon

 dacite

(Equateur -Rio Toachi)

Lithothèque - ENS Lyon

 rhyolite

(France - Morvan)

Lithothèque - ENS Lyon

 andésite LPNA

  On observe des cristaux blancs rectangulaires, abondants de plagioclases et des cristaux bruns de hornblende et de clinopyroxène gris-vert. On peut trouver également de la biotite. Le tout est noyé dans une mésostase (fond microcristallin) essentiellement constitué de microlites de plagioclases et d'oxydes noir.

dacite LPNA

  A l'exception du gros cristal globuleux de quartz (Q), les minéraux blancs sont des plagioclases. A noter la présence d'une amphibole qui montre une section basale. Elle est corrodé et bordé d'une couronne de minéraux opaques. On peut trouver aussi de la biotite.

 

 rhyolite LPNA

  Les phénocristaux de quartz sont automorphes (section hexagonale). Les gros cristaux à l'aspect "sale" sont des feldspaths. La mésostase est constituée des mêmes minéraux auxquels s'ajoutent des oxydes métalliques. On trouve également de la biotite.

 

 andesite LPA

  On observe des plagioclases avec des teintes de polarisation gris à blanc. Ils montrent souvent des zonations oscillatoires. Les phénocristaux colorés sont des ferro-magnésiens (biotite, hornblende)

 dacite LPA

voir ci-dessus.

 

 

 rhyolite LPA

voir ci-dessus.

 

 

 

Marge continentale ? Arc insulaire ?...

marge

arcs

On observe que andésite et dacite sont majoritaires dans les marges : on y trouve plus de termes évolués, allant jusqu'à la rhyolite. De même, les laves des marges continentales sont globalement plus potassiques.

Par contre, les termes plus basiques ou intermédiaires sont les plus abondants au niveau des arcs insulaires.

 

 A Retenir....

  • Les laves émises par les volcans de subduction sont donc caractérisées par leur richesse en silice. Ceci explique en partie l'extrême viscosité des magmas et le caractère explosif des éruptions.

 

viscosité
  • De même, l'étude de la composition minéralogique de ces roches montre la présence de nombreux minéraux hydroxylés.

 

formules
Compo1 Compo2
  • On a également mis en évidence la présence importante d'oxydes ferro-titanés, tels que l'ilménite (FeTiO3).

 

ilménite

Ilménite (brun orangé) en inclusions dans la magnétite (noire) - (CRPG - Nancy)

 

3. Caractéristiques géochimiques des roches magmatiques des zones de subduction habituelles

  Comme on l'a vu, les laves mises en place au niveau des zones de subduction se situent dans le domaine des roches saturées, voire sursaturées en silice. On observe également une décroissance de la teneur en fer tout au long de la série, quand la teneur en silice augmente.

 

triangle fer

Gaelle Prouteau

 La distribution des éléments en traces

On considère comme élément-trace, tout élément dont la concentration dans le milieu est inférieure à 1.000 p.p.m.

Gaelle Prouteau

  Les valeurs fournies sont normalisées par rapport à celles mesurées pour un basalte de dorsale (MORB = Middle Ocean Ridge Basalt)

  • En 1 : on trouve les éléments qui globalement ne rentrent pas du tout dans les phases solides (les minéraux) et se concentrent plutôt dans les phases liquides : il s'agit du rubidium, du baryum, du potassium...
  • En 2 : on trouve les éléments qui entrent davantage dans les phases solides (éléments compatibles)

  ⇒ On observe que les roches des zones de subduction présentent un enrichissement très importants en éléments fortement incompatibles (Rb, Ba, K...)

  Par contre, on observe une pauvreté (anomalie négative) en Eunobium, par exemple.

  Ceci semble constituer une signature géochimique des magmas d'arc. Comment expliquer ces différences entre basaltes de ride et basaltes d'arc ?

  Plusieurs hypothèses peuvent être avancées : soit, les modalités de production (fusion) des magmas sont différentes, soit la source présente une composition différente...

  Les magmas d'arc possèdent d'autres caractéristiques isotopiques :

  • le rapport 87Sr/86Sr est plus élevé que celui des MORB
  • le rapport 143Nd/144Nd est quant à lui plus faible
  • ils sont plus radiogéniques en Plomb

  Il est à noter que les rapports isotopiques en général ne varient pas au cours des processus pétrographiques (fusion, cristallisation..). On peut donc en déduire que les rapports isotopiques de la lave sont les mêmes que ceux de la source. Ce sont donc d'excellents traceurs de la source des magmas.

 

4. La genèse des magmas


 Historiquement, plusieurs hypothèses ont été avancées : les magmas naissent par fusion partielle de la croûte chevauchante, du manteau sus-jacent (ce que l'on appelle le "coin de manteau") ou encore de la croûte subductée et des quelques sédiments qu'elle entraîne.

Cette dernière hypothèse fut la première à être rejetée : les géothermes ne recoupent pas les solidus basaltiques, même saturés en eau, au niveau des zones de subduction. De plus, produire un basalte à partir d'un basalte exigerait un taux de fusion de 100 % : les conditions sont impossibles à réunir.

Ainsi, pour produire un basalte par fusion partielle, il faut une source plus mafique : il est désormais acquis que cette source est le "coin de manteau".

Les conditions de fusion partielle :

  ♦ L'eau :

Les basaltes (et gabbros) de la croûte océanique sont hydratés essentiellement par circulation hydrothermale. Ils sont quasiment saturés en eau (6 à 8 %). Ceci se traduit par la présence de minéraux hydroxylés tels que :

- la chlorite :(Fe,Mg,Al)6(Si,Al)4O10(OH)8

- l'actinote :Ca2 (Mg,Fe)5 [Si8O22] (OH,F)2

  Au cours de la subduction, les conditions BT-HP entraînent un métamorphisme des roches, qui s'accompagnent d'une déshydratation. Par exemple, en se transformant en glaucophane, l'actinote et la chlorite libèrent de l'eau.

  On peut suivre les étapes de cette déshydratation sur le diagramme ci-dessus. Les chiffres indiquent les teneurs en eau maximale pouvant être contenues par les minéraux hydroxylés.On constate qu'entre 0 et 100 km de profondeur, le basalte a déjà libéré près de 5 % de "son" eau. Cette déshydratation de la croûte océanique est rapide au début : il y a libération de l'eau facilement "mobilisable", celle contenue dans les pores de la roche.

Les chiffres indiquent les teneurs en eau

Le flux aqueux libéré percole le manteau sus-jacent. Les conditions sont alors réunies pour que se produise la fusion partielle des matériaux du coin de manteau.

  Il existe des témoins de la percolation de fluides dans le manteau. On a retrouvé dans des xénolites mantelliques (Île de Batan - Phillipines) de la phlogopite, entre autres, qui est un mica hydroxylé magnésien.

Phlogopite : KMg3(Si3Al)O10(F,OH)2

  Les modalités de transport de l'eau du SLAB à la zone de fusion font toujours débat. On ne sait pas encore très bien comment s'effectue ce "transport" de l'eau au sein du manteau. Deux modèles sont avancés : 

  • celui d'un "écoulement poreux"
  • celui d'un "écoulement canalisé", à travers de "micro-conduits".

Les températures :

 Pour arriver à une fusion des matériaux du manteau, il faut certes la présence d'eau mais aussi une température suffisante. Or, les zones de subduction sont globalement des zones "froides"...

On a mis en évidence des mouvements de convection dans le "coin de manteau", mouvements qui peuvent être responsables d'un apport de chaleur suffisant.

  

 

 

 

La figure ci-contre montre la structure thermique calculée de la zone de subduction NE du Japon, à l'aplomb de l'arc volcanique.

Ces modèles intègrent :

  • tous les paramètres de la subduction (âge, vitesse..)
  • le flux de chaleur induit par les mouvements de convection mantelliques
  • les variations de viscosité des matériaux du "coin de manteau". En effet, cette viscosité varie avec la température, elles-même liée aux mouvements de convection.
  • les forces de frottements, de cisaillement de la plaque plongeante responsable d'un réchauffement (Qsh). On estime que ce seul facteur peut être responsable, localement, d'une augmentation de température d'environ 100°C.

Gaëlle Prouteau

 

V = vitesse de subduction

Qsh = Q shear heating = Réchauffement par cisaillement

  ⇒ La température maximale atteinte dans le coin de manteau à l'aplomb du front volcanique est d'environ 1200°C (incertitude de +/- 50 à 100°C)

⇒ L'ensemble de ces résultats suggèrent que la fusion du manteau sub-arc s'effectue à des températures voisines de 1200°C.

⇒ La fusion du manteau sub-arc est induite par l'apport de fluides issus de la déshydratation progressive de la croûte subduite mais aussi par les températures élevées liées à la convection mantellique.

 

Pourquoi des magmas riches, voire sursaturés en silice ?

 

Lorsque l'on réunit les conditions pour fondre des roches du manteau à haute pression, mais en situation anhydre, on produit un liquide qui donnera une tholéite à olivine, donc une roche pauvre en silice.

Par contre, si on se place dans des conditions de saturation en eau, on obtient un liquide qui sera sursaturé en silice.

 En effet, on constate qu'en condition hydratée (trait bleu), on déplace les points invariants (E) vers le pôle SiO2.

⇒ C'est donc la fusion hydratée qui explique la richesse des magmas en silice.

 

- Relations de phases au liquidus dans le système synthétique Forstérite-Diopside-Silice à 2 GPa -

Ce système ternaire s'applique parfaitement à la fusion partielle des péridotites mantelliques puisque les phases majeures de celle-ci (olivine, orthopyroxène et clinopyroxène) y sont représentées.

- Effet des fluides hydratés sur la composition des magmas d'arc -

Conséquences sur les éléments traces

  Certains éléments traces sont plus ou moins solubles dans ces fluides : soit ils sont alors lessivés, soit ils sont insolubles.

  Expérimentalement, des basaltes ont été soumis à des conditions de 5 GPa et 900°C. (On observe alors une déstabilisation de tous les minéraux hydroxylés). Parallèlement, ont été effectuées des mesures de l'abondance des éléments traces dans la roche de départ puis dans la roche d'arrivée. La différence observée donne alors une idée de la mobilité des éléments traces dans les fluides.

  Les résultats présentés ci-contre montre que les éléments très mobiles (Rb, Pb, Ba, Sr...) sont précisément ceux qui présentent une surabondance dans les magmas d'arc.

⇒ Les fluides entraînent des éléments, éléments que l'on retrouve ensuite dans les magmas (voir paragraphe 3.)

 

- Mobilité des éléments en trace dans les fluides produits par la déshydratation à hautes pression et température -

 

⇒ Les fluides qui lessivent sélectivement la croûte subductée et ses sédiments impactisent leur signature géochimique au manteau sub-arc et donc aux magmas d'arc. 

 

5. Les mécanismes d'évolution des magmas

 

5.1 : La cristallisation fractionnée

 

  Elle permet d'expliquer la diversité des roches trouvées au niveau des zones de subduction (basalte, andésite, dacite...)

Certains éléments (les éléments compatibles - voir paragraphe3.) sont incorporés dans les phénocristaux (ex : le cobalt est incorporé dans l'olivine).

On constate dans le graphe ci-contre que le magnésium chute très rapidement car il est incorporé au tout début et massivement par l'olivine.

D'autres éléments (dits incompatibles) se concentrent quant à eux dans les liquides (ex : Na ou K).

 

- Evolution de la composition chimique d'une série (ex : série des Antilles) -

5.2 L'assimilation couplée à la cristallisation fractionnée

C'est un processus relativement important au niveau des marges continentales telles que les Andes.

Une partie de l'énergie libérée lors de la cristallisation (qui est un processus exothermique) est utilisée pour le chauffage et l'éventuelle fusion de l'encaissant du réservoir, conduisant alors à la contamination magmatique.

Ainsi, on a pu trouver des enclaves de socle dans des dacites. Ces enclaves témoignent de ce processus de contamination.

Cependant, ce processus est limité car il faut beaucoup d'énergie pour réchauffer cet encaissant.

 

6. La science en marche...

Les modèles numériques de calcul de température dans les zones de subduction s'affinent. On l'a vu, on prend désormais en compte les variations de viscosité, le réchauffement par cisaillement, etc. Il s'avère donc que cette zone est "moins froide" que ce que l'on pensait jusqu'à présent.

La pétrologie expérimentale a montré, en tenant compte de ces nouvelles données, que l'on peut finalement atteindre les conditions de fusion des pélites entraînées dans le mouvement de subduction, voire des basaltes de la croûte océanique...

Des preuves d'une fusion des sédiments océaniques ?

 Le 10Be (Beryllium) est un isotope cosmogénique : il ne se forme que dans la haute atmosphère. Par exemple :

Rayon cosmique  + \ {}^{1}{}^{4}_{7}\mathrm{N\to{}^{1}{}^{0}_{4}Be\ +\ {}^{4}_{2}He\ +\ e^{+}\ +\ \nu_{e}}\ +

Sa période est de 1,5 millions d'années (ce qui est très court à l'échelle des temps géologiques)

Or, on a montré la présence de 10Be dans des laves d'arc. La source ne peut être que des matériaux qui ont été en contact avec l'atmosphère, donc des sédiments. De plus, on sait que le 10Be n'est pas transporté par les fluides. Sa présence dans les laves ne peut résulter que d'une fusion des sédiments océaniques subductés.

On valide ce phénomène en étudiant d'autres isotope tels que le thorium.

Les sédiments et les basaltes ont à peu près les mêmes températures de fusion. Deux "points" sont encore en discussion aujourd'hui :

  • Fusion des sédiments seulement
  • Fusion des sédiments et des basaltes de la croûte océanique

 

 

Sources :

 

 

 

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