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Impacts humains

Mise à jour le 25/03/2008
Par npajon - le 05.01.2011

 

3. Les nitrates et leur impact sur l'organisme humain

1 -  L'apport de nitrates dans notre alimentation

2 -  Le devenir des nitrates et des nitrites dans notre organisme

3 -  Toxicité des nitrates : Données expérimentales et cliniques

4 -  La méthémoglobinémie

5 -  La formation des nitrosamines

Conclusion


  La norme européenne (50 mg/L) a été fixée en fonction des risques encourus par les catégories de population les plus vulnérables, sur les bases des recommandations de l'O.M.S. Les autorités sanitaires ont l'obligation d'informer la population en cas de dépassement de 50 mg/L dans l'eau distribuée.

  • Quelle est l'apport de nitrates dans notre alimentation ?
  • Quels sont alors les effets d'un excès de nitrates dans notre alimentation ?
  • Les scientifiques sont-ils unanimes sur les dangers des nitrates ?

 

1 - L'APPORT DE NITRATES DANS NOTRE ALIMENTATION

 

Les risques résultent de la totalité des nitrates consommées quotidiennement. Or, l'eau de boisson représente seulement 10 à 15 % de l'ingestion de nitrates. Il ne faut donc surtout pas négliger les quantités aborbées dans les aliments.

 

                 robinet
  •  Chez l'adulte, la principale source de nitrates et de nitrites provient des légumes tels que betteraves, céleri, salade. La cuisson à l'eau a toutefois pour effet de réduire leur teneur en nitrates.

- Teneur moyenne en nitrates et nitrites de quelques légumes -

Légumes Nombre d'échantillons

Nitrates

NO3- (mg/kg)

Nitrites

NO2- (mg/kg)

Radis 139 2600 7,3
Betteraves rouges 85 2134 3,3
Bettes 20 2028 1,7
Salade batavia 53 1453 5,3
Laitues 173 1361 8,7
Céleris 10 1321 0,7
Chicorées frisées 48 795 8,8
Epinards 41 442 3,2
Choux rouges 30 330 2,3
Carottes 80 183 1,5
Concombres 63 156 8,0
Haricots verts 66 153 5,3

Source : "La Recherche - n°169 - Septembre 1985"

radis
betterave
salade

On peut lire dans cet article : "Certains légumes accumulent les nitrates et même les nitrites au lieu de les métaboliser. On pense que cette accumulation est liée à des facteurs génétiques, des facteurs d'éclairement et de nourriture. Ainsi, les salades cultivées, en serre, en hiver, contiennent deux fois plus de nitrates que les salades cultivées en plein champ, en été. Les légumes représentent notre principale source quotidienne de nitrates (deux à trois fois plus que l'eau de boisson)".

  • On trouve également des nitrates et des nitrites dans nos aliments d'origine animale.

En effet, ce sont des additifs alimentaires courants, utilisés comme agents conservateurs secondaires pour les charcuteries et les salaisons :

- les nitrites permettraient de ralentir les phénomènes de rancissement en s'opposant à l'auto-oxydation des graisses ;

- ces mêmes nitrites, en réagissant avec la myoglobine, donnent au produit carné une coloration rose et un goût plus agréable...

- nitrites et nitrates exercent un rôle anti-bactérien (surtout vis-à-vis de Clostridium botulinum, responsable du botulisme).

- Teneur moyenne en nitrates et nitrites de quelques produits carnés -

Aliments

Nitrates

NO3- (mg/kg)

Nitrites

NO2- (mg/kg)

Saucisse de Francfort 420 41
Jambon de Paris 260 30
Rillettes 140 35
Camembert 26 2,5

 

 

Il s'agissait jusqu'ici de nitrates d'origine exogène mais on a montré que l'organisme humain est capable de fabriquer des nitrates (on parle alors d'origine endogène), notamment à partir de monoxyde d'azote.

 

2 - LE DEVENIR DES NITRATES ET DES NITRITES DANS L'ORGANISME

 

  •    Une fois ingérés, les nitrates sont rapidement aborbés au niveau de l'intestin grêle proximal puis distribués dans tout l'organisme par voie sanguine. Après leur assimilation, ils sont retrouvés dans la salive, la bile et l'urine.

 

  • Une partie des nitrates absorbés est transformée en nitrites. En effet, les nitrates (NO3-) peuvent être réduits en nitrites (NO2-), par voie enzymatique, dans de nombreux micro-organismes que nous hébergeons. La condition nécessaire à cette activité enzymatique est de se trouver dans une zone de pH proche de 6,5. Chez l'homme adulte normal, l'acidité stomacale (pH = 1,3) garantit donc la stabilité des nitrates qui seront donc absorbés tels quels par l'intestin grêle. Par contre, dans certaines situations, pathologiques chez l'adulte (hypochlorhydrie gastrique), la réduction des nitrates en nitrites est facilitée. Cette situation est naturelle chez le très jeune enfant.

 

  • Le métabolisme des nitrites est moins bien connu. Des expérimentations ont été menées chez la souris et le rat. Après administration intra-péritoniale de nitrite de sodium (NaNO2) marqué au 13N ou 15N, on constate que :

- 60% sont éliminés dans les urines sous forme de nitrates ;

- 10% sont éliminés dans les fécès ;

- on retrouve aussi des traces dans l'air expiré ;

- le Reste (30% !) n'a pas été identifié.

 

3 - TOXICITE DES NITRATES : DONNEES EXPERIMENTALES ET CLINIQUES

 

  • Données expérimentales chez le rat et la souris :

Chez ces rongeurs, des doses élevées de nitrates (> 500 mg/kg) en ingestion quotidienne ont pour effets :

- une réduction de la dimension des portées ;

- une réduction du poids foetal et de la croissance des petits.

Aucune action mutagène n'a pu être mise en évidence dans les tests classiques in vitro.

 

  • Données cliniques chez l'Homme :

Aucun cas de toxicité aigüe n'a été rapporté à ce jour, même si des millions de tonnes de nitrates sont manipulées à travers le monde.

 

► Les nitrates ne sont généralement plus considérés comme toxiques en tant que tels. C'est l'éventuelle transformation des nitrates en nitrites puis leur combinaison avec des amines (nitrosamines) qui est en général mise en avant pour aborder les problèmes de santé publique.

En effet, les nitrites peuvent être à l'origine de deux phénomènes potentiellement pathologiques :

- la méthémoglobinémie

- la formation de nitrosamines

 

4 - LA METHEMOGLOBINEMIE

 

Il faut savoir que l'hémoglobine est fonctionnelle (c'est à dire transporte efficacement le dioxygène des poumons vers les tissus) lorrsque le fer contenu dans l'hème est réduit (fer divalent).

Les nitrites réagissement avec l'hémoglobine dans les érythrocytes pour former de la méthémoglobine. La méthémoglobine est formée lorsque le fer de l'hémoglobine est oxydé de Fe2+ en Fe3+.

La méthémoglobine est alors incapable de fixer le dioxygène ce qui réduit fortement le transport du dioxygène.

 

En temps normal, la méthémoglobine se forme de façon continue au sein des hématies mais elle ne dépasse pas 1% de l'hémoglobine totale. La méthémoglobinémie apparaît lorsque le taux de méthémoglobine excède 1,5 g/dL ce qui représente environ 10% de l'hémoglobine total de l'individu.

 

- Molécule d'hémoglobine montrant les hèmes contenant les atomes de Fer -

hb_homme

Obtenir le fichier .pdb

(Source : Librairie de Molécules)

 

  • Le groupe le plus menacé est celui des nouveau-nés nourris au biberon (l'allaitement maternel protège les bébés de la méthémoglobinémie). A la différence de l'adulte, le jeune enfant est très sensible à la méthémoglobinémie pour plusieurs raisons :

- la faible acidité de son milieu stomacal est favorable à la transformation des nitrates en nitrites par la flore qui le tapisse ;

- l'activité enzymatique (méthémoglobine-réductase) chargée de maintenir l'hémoglobine dans un état réduit est plus faible jusqu'à l'âge d'environ 6 mois.

- 70 % de l'hémoglobine foetale (HbF : 2 chaînes α  + 2 chaînes γ ) est très oxydable et subsiste pendant les trois premiers mois de la vie. Par contre, l'hémoglobine "adulte" (2 chaînes α  + 2 chaînes β ) est nettement moins sensible à cette transformation.

 - Les différents types de globine chez l'Homme -

hb

Cliquer sur l'image pour l'agrandir

(Source : Hatier - Terminale S)

 

 

- Les 2 types de globines foetales -

globine_foetus

Cliquer sur l'image pour l'agrandir

globine-alpha.pdb  -  globine gamma.pdb

- Les 2 types de globines de l'adulte -

globine_adulte

Cliquer sur l'image pour l'agrandir

globine-alpha.pdb  -  globine beta.pdb

 

  • Les signes cliniques de la méthémoglobinémie sont sous la dépendance du taux de méthémoglobine :

- taux voisin de 10% : cyanose des extrémités (doigts, face, lèvres...). c'est la maladie du "bébé bleu".

- taux compris entre 20 et 40% : vertiges, céphalées et accélération cardiaque.

- la mort survient généralement pour des taux atteignant 40 à 65%.

  • Des traitements peuvent être administrés et sont généralement efficaces. Ce sont des agents réducteurs (bleu de méthylène, vitamine C).
  • Les femmes enceintes sont également plus vulnérables.

 

  • La controverse....

Lors d'un colloque récent (Assises ENVIROBIO 2000), le Professeur Jean-Louis L'Hirondel du CHRU de Caen, a montré, faits et données scientifiques à l'appui :

- "quand la transformation nitrates-nitrites se produit et est à l'origine d'une méthémoglobinémie (ce qui est rarissime aux Etats-Unis et en Europe occidentale), celle-ci se fait dans le biberon àl'occasion d'une faute d'hygiène,

- la transformation nitrates-nitrites dans le biberon ne commence à apparaître que lorsque la prolifération bactérienne est très avancée (le seuil semble être de 107 germes / mL),

- quelles qu'aient pu être ses concentrations en nitrates (en Europe, elles dépassent encore souvent la norme de 50 mg/mL), jamais l'eau du robinet, bactériologiquement saine et contrôlée, n'a été à l'origine du moindre cas, certain et vérifié, de méthémoglobinémie du nourrisson."

 

5 - LA FORMATION DES NITROSAMINES

 

Dans des conditions particulières ou pathologiques (faible acidité gastrique), les nitrates peuvent se transformer en nitrites. Ces nitrites peuvent alors réagir avec des amines et des amides et former des composés N-nitrosés (CNO) comme les nitrosamines et les nitrosamides. Cependant, la possibilité de cette synthèse in vivo de molécules N-nitrosées est encore largement débattue.

  reaction

 ► Ces composés N-nitrosés sont réputés pour être potentiellement cancérigènes.

 

  • Les arguments :

• Ceci a été observé chez de nombreuses espèces animales. Le professeur B.PIGNATELLI, du Centre International de Recherche sur le Cancer de Lyon, expose ainsi les résultats recueillis chez l'animal :

"Environ 90% des CNO étudiés induisent des tumeurs dans une grande variété d'organes chez 41 espèces animales incluant des primates. La N-nitrosodiéthylamine (NDEA), par exemple, exerce une activité cancérogène chez 20 espèces différentes. [...] Les N-nitrosamines exercent une action cancérogène spécifique principalement dans le foie, l'oesophage, l'appareil respiratoire et le rein ; les systèmes nerveux périphérique et central, l'appareil gastro-intestinal et le rein sont les principaux organes cibles de N-nitrosamides [...]"

• "La Bretagne recense un nombre plus élevé de cancers de l'estomac et ceci pourrait être favorisé par la consommation prolongée d'eaux riches en nitrates, auxquelles il faut ajouter les aliments salés et fumés". Le docteur Hervé GOUEROU, chef du service hépato-gastro-entérologie au CHU de Brest, par des études épidémiologiques et cliniques : "Nous voulons doser les nitrites et les nitrosamines à l'intérieur de l'estomac, et par là mettre en évidence la relation entre les taux obtenus et les lésions cancéreuses ou pré-cancéreuses". Ces examens se feraient au moyen simple de l'endoscopie. L'équipe médicale attend le financement pour ce programme de recherche...

  • Les contre-arguments :

• Ce sont les nitrosamines (et les nitrosamides) qui sont supectées. Or, les transformations nitrates-nitrites puis nitrites-nitrosamines se réalisent dans des conditions particulières. Il n'a pas été encore réellement prouvées qu'elles aient réellement lieu, in vivo, dans des conditions normales.

• De nombreuses études concordantes ont montré une corrélation inverse entre la fréquence des divers cancers et la consommation de légumes, de telle sorte que celle-ci est largement encouragée par les instances médicales européennes, américaines et mondiales : les légumes ont un rôle protecteur contre les cancers digestifs. Or, on l'a vu les légumes sont riches en nitrates.

• Chez l'Homme, il est actuellement impossible de conclure sur le risque de cancer dû à l'ingestion répétée d'une eau riche en nitrates : les données épidémiologiques actuelles sont trop limitées (nombre restreint d'études et méthodologie controversée).

 

Conclusion : L'homme ingère quotidiennement des quantités "importantes" de nitrates et à un degré moindre de nitrites. Ces taux d'ingestion sont difficilement mesurables et peuvent varier considérablement d'une région à une autre, d'un individu à un autre selon ses habitudes alimentaires. Cependant, les niveaux de consommation journalières apparaissent trop élevés d'un point de vue de la sécurité alimentaire : il faut donc envisager de sérieusement les abaisser en influant à deux niveaux :

- Diminuer les apports en nitrates par l'eau de boisson,

- Diminuer l'utilisation des nitrates dans les additifs alimentaires.

A l'heure actuelle, les médecins semblent beaucoup plus rassurants quant à l'impact des nitrates sur la santé humaine. C'est le cas de Marian Apfelbaum (professeur de nutrition à la faculté de médecine Bichat-Paris) dans son article "Nitrates : une norme aux pieds d'argile" ou encore Jean-Louis L'Hirondel qui a conclu son intervention au colloque  "Assises EnviroBio 2000" par ces phrases qui peuvent paraître un brin provocatrices :

"...Actuellement, l'accent est mis au contraire sur leurs effets bénéfiques. Les nitrates alimentaires exercent un important rôle protecteur à l'égard des infections digestives ; il est également possible qu'ils exercent un rôle protecteur vis-à-vis des maladies cardio-vasculaires.

Les nitrates alimentaires ne sont pas nocifs. Ils sont au contraire bénéfiques. Lorsqu'elles en prendront conscience, les autorités sanitaires inverseront leur position en recommandant les alimentations et régimes richement nitratés..."

Même si, ces dernières années, les scientifiques et médecins semblent relativement unanimes pour relativiser l'impact des nitrates sur la santé humaine, il n'en reste pas moins que les forts taux de nitrates enregistrés dans les eaux de certaines régions constituent une réelle menace pour l'équilibre environnemental. En effet, le phénomène de "marées vertes" prend de l'ampleur chaque année...

-----> En savoir plus sur "Les marées vertes"

 

Bibliographie

- n°12 - mai 1996 : "Toxicité des nitrates pour la santé humaine"

- n°16 - juil. 1997 : "Eutrophisation et marées vertes"

 

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