Les nitrates
Généralités et chimie
Les nitrates constituent un élément nutritif majeur indispensable pour les plantes et proviennent de la décomposition des déchets organiques (transformation de l'ammonium en nitrites ou en nitrates) : l’ion nitrate est stable et assimilable par les plantes des sols. En période pluvieuse, ils ruissellent vers les cours d’eau ou s’infiltrent dans les nappes.
Ils peuvent être présents à l'état naturel dans les sols (les concentrations variant de quelques milligrammes jusqu'à un maximum (de 10 mg/L dans les tourbières), ils y sont surtout apportés par les engrais biologiques (fumiers) ou chimiques.
Solubles dans l'eau, les nitrates en excès sont entraînés par lessivage (surtout en période pluvieuse) : ils pénètrent dans le sol, s'infiltrent dans les eaux souterraines et/ou ruissellent vers les cours d'eau : ils sont donc l'une des causes de la dégradation de l'eau.
Différentes réactions d'oxydation peuvent avoir lieu naturellement, quand il y a apport de produits azotés par les lisiers, fumiers, engrais sous forme NH4+
1- La nitrification permet la transformation par des organismes nitrificateurs de l’azote ammoniacal en nitrates au cours de 2 réactions successives :
les bactéries nitreuses du genre Nitrosomonas réalisent la nitrosation, c’est à dire la transformation de l’ammoniac en ion nitrite (NO2-) :
4 NH3 + 7 O2 -------> 4 NO2- + 6 H2Oles bactéries nitriques telles que les Nitrobacter réalisent la nitratation c'est à dire l'oxydation des ions nitrites en ions nitrates :
2 NO2- + O2 --------> 2 NO3- L’ion nitrate est stable et assimilable par les plantes2 - L’humification résulte de l’activité fermentaire de la microflore du sol et aboutit à la formation d’acides humiques liés à la fraction minérale du sol sous forme de complexes argilo-humiques.
3 - L’ammonisation résulte d’une désamination des acides aminés par des bactéries ammonifiantes. Elle aboutit à la formation d’ammoniac (NH3) rapidement transformé en ion ammonium : NH4+
Entraînement de nitrates provenant de l'utilisation d'engrais vers les nappes phréatiques ou les cours d'eau, du fait des lessivages par les pluies, notamment avec des sols nus entre cultures.
Effluents agricoles provenant des élevages, domestiques ou industriels.
Rejets de stations d'épuration.
Minéralisation des matières organiques du sol, puis entraînement par la pluie dans les sols nus.
Fixation de l'azote atmosphérique.
Remarque: il est parfois difficile de faire des corrélations pour expliquer les taux de nitrates car les lieux exacts des captages, les profondeurs des prises des échantillons ne sont pas connus, ces facteurs pouvant influer sur les teneurs.
L'eau ne constitue pas le seul apport en nitrates dans l'exposition globale. On trouve également des nitrates dans :
les légumes qui peuvent en contenir jusqu'à 3500 mg par kg. De fortes teneurs sont observées par exemple dans le céleri, la batavia, les bettes, les navets, la mâche, la laitue, les épinards et les radis.
d'autres produits alimentaires, comme les salaisons qui contiennent des nitrates en quantités non négligeables provenant des nitrites utilisés comme conservateur.
Les normes de potabilité de l'eau vis à vis des nitrates
Partant d'un principe de précaution, la norme de potabilité pour l'eau a été fixée à 50 mg/L par la dernière directive européenne : décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001.
Les autorités sanitaires locales doivent veiller à ce que le consommateur soit convenablement informé lorsque cette norme est dépassée.
Au-delà de 100mg/L, l'eau ne doit pas être consommée et ne peut non plus être prélevée dans les forages.
Les résultats présentés dans les banques de données (banque ADES) sont ceux des captages donc toujours sur eaux brutes c'est à dire avant traitement. On peut facilement constater que plus les valeurs s'éloigneront des seuils plus les traitements verront leur coût s'élever.
L'Organisation Mondiale de la Santé a fixé à 3,65 mg par kg la dose maximale journalière admise, soit 255 mg pour une personne de 70 kg ou 220 mg pour une personne de 60 kg. Toutefois, lorsque les concentrations sont supérieures à 50 mg/L, la part de l'eau devient prépondérante.
Il est à remarquer que ces normes s'appliquent pour l'usage "Alimentation en Eau Potable" (AEP) mais il existe maintenant d'autres normes pour d'autres usages de l'eau (abreuvage, irrigation ..) qui ont été définies dans un SEQ : Système d'Evaluation de la Qualité des Eaux
Traitement et prévention
Des réseaux de surveillance sur le plan qualitatif sont assurés par les agences de l’eau disposant d’un réseau de suivi de la qualité des eaux souterraines (RNES) ainsi que par la Direction Départementale à l'Action Sanitaire et Sociale (DDASS) disposant d'un réseau de suivi de qualité des captages d’eau potable. Le suivi de la qualité des cours d’eau est assuré par le réseau national de bassin (RNB). Tous ces réseaux mesurent les eaux brutes.
1) Les traitements
En cas de ressource contaminée, il est habituel de faire appel à plusieurs solutions :
- dilution avec une autre ressource de faible teneur en nitrates,
traitement de l'eau avec des méthodes par voie biologique ou par résines échangeuses d'ions
- Le procédé biologique
On utilise des bactéries spécifiques capables de transformer les nitrates en azote gazeux.
Un complément alimentaire carboné et phosphoré est apporté aux bactéries pour faciliter leur croissance.
Ce procédé permet d'éliminer les nitrates du cycle de l'eau mais il nécessite du personnel formé à ces technologiesLe procédé chimique
Une résine échangeuse d'anions retient les nitrates de l'eau et donne, en échange, des chlorures supplémentaires à l'eau traitée. La résine se sature progressivement en nitrates et il est donc nécessaire de la régénérer, de la même façon que l'on régénère les adoucisseurs domestiques.
Pour cette opération, on utilise une saumure (solution très concentrée de chlorure de sodium) puis l'on rince la résine.
Le résultat de cette régénération est un mélange de saumure et de nitrates qu'il faut éliminer. Si la qualité de l'eau est améliorée, la question des nitrates n'est donc pas complètement réglée. Ce deuxième procédé est donc plutôt à réserver aux zones dans lesquelles on sait que le procédé biologique ne fonctionne pas dans de bonnes conditions (les bactéries supportent mal les basses températures par exemple).
abandon du captage au profit d'un captage mieux protégé,
définition et mise en œuvre de programmes d’action dans les zones vulnérables.
Il est donc primordial d'assurer la protection des captages, de réduire ou/et de gérer de façon raisonnée les apports azotés sur les cultures. Il est également indispensable de reconquérir la qualité de la ressource en eau au travers d'actions sur le bassin versant.
Le traitement des eaux brutes pour dénitrifier requiert des investissements conséquents qui ne pourront qu'augmenter le prix de l'eau au robinet
2) La prévention:
Des programmes d'actions spécifiques dans les zones vulnérables à la pollution par les nitrates existent, il est recommandé :
- d'implanter des bandes enherbées ou de cultures intermédiaires pièges à nitrates,
- de fractionner de deux à trois les apports afin de réduire le premier apport le plus soumis au lessivage hivernal,
- de reporter et de réduire le dernier apport en fonction de l’état de végétation de la culture.
La directive "Nitrates" (Directive européenne 91/676/CEE du 12 décembre 1991) constitue le principal instrument réglementaire pour lutter contre les pollutions diffuses liées à l’azote d’origine agricole : elle a, entre autre, défini les zones vulnérables. On appelle zone "vulnérable" les territoires où la teneur en nitrates des eaux (notamment celles servant au captage d'eau destinée à la consommation humaine) est supérieure à 50 mg/L, ou légèrement inférieure mais qui montrent une évolution à la hausse.
Un décret (décret 2001-34 du 10 janvier 2001) impose l'inventaire des zones dites vulnérables, il est de plus assorti d'un texte spécifique qui détermine les modalités de mise en oeuvre des programmes d'action dans les zones vulnérables. Les programmes d'action sont fixés, pour chaque département, par arrêté préfectoral, après concertation avec les acteurs compétents.
Voir la zone vulnérable de la nappe de Beauce avec SIG-beauce.
Les informations et les données proviennent de l'Institut français de l'environnement (IFEN) et des l'agences de l'eau.
Il est à remarquer que toutes les valeurs données ont été mesurées sur eaux brutes - donc non traitées - et que l'usage considéré est toujours celui de l'Alimentation en Eau potable (AEP) sachant qu'il existe pour d'autres usages (irrigation, abreuvage etc....) d'autres normes (voir le SEQ Système d'Evaluation de la Qualité des Eaux).
Les sources de pollution :
L’ agriculture céréalière occupe une place prépondérante dans le paysage beauceron (voir SIG-beauce) ; cette activité engendre une pollution diffuse significative par les nitrates, de plus les zones d’élevage (SIG-beauce) sont en mutation vers la culture intensive.
Les excédents d’azote sont élevés dans les zones de grandes cultures et représentent plus du tiers des quantités épandues dans le Loiret et plus du quart en Eure-et-Loir. En 2001, les apports totaux d’engrais azotés, légèrement supérieurs à la moyenne française, s’élevaient à 180 kg/ha en moyenne pour le maïs grain et à 192 kg/ha pour le blé tendre. En outre, les surfaces de blé concernées par les apports importants sont en augmentation : en 2001, un tiers des surfaces emblavées recevait plus de 200 kg/ha, contre 18 % en 1994.
De plus, le souci d’une nutrition azotée soutenue en fin de cycle du blé afin d'augmenter les teneurs en protéines prime sur l’équilibre global de la fertilisation et de la maîtrise des risques de lessivage, il entraîne un supplément d’engrais sous forme d’un quatrième apport.
Plus de 50 % des parcelles ont été fertilisées sans que soient employés les outils de pilotage existants ou sans tenir compte des besoins des cultures.
Si le fractionnement de deux à trois apports s’est généralisé et constitue un progrès significatif (il permet de réduire le premier apport le plus soumis au lessivage hivernal, de reporter et de réduire le dernier apport en fonction de l’état de végétation de la culture),
Les teneurs en nitrates : quelques chiffres
L’ examen des teneurs en nitrates disponibles sur les différents réseaux des bassins Loire- Bretagne et Seine-Normandie ainsi que sur les captages d’eau potable contrôlés par les DDASS montre 30 % des points ayant une moyenne des teneurs entre 1996 et 2002 supérieure à 40 mg/L .(142 points de mesure sur 472).
En 1999-2000, 146 unités alimentant 138 000 habitants (soit 5,6 % de la population) ont distribué de façon chronique une eau dépassant la limite des 50 mg/L, 202 unités distribuent une eau dont la teneur en nitrates est comprise entre 40 et 50 mg/L.
Une tendance à la dégradation sur bon nombre de points est en outre observée, de plus les durées de dépassement s’allongent d’année en année.
Agriculture raisonnée et biologique
Un dispositif national de qualification des exploitations agricoles au titre de l'agriculture raisonnée est en cours d’adaptation en région. L’agriculture biologique est peu développée en région Centre : seulement 350 exploitations disposent de cette certification.
La part de la Surface Agricole Utilisée (SAU) régionale consacrée à l’agriculture biologique (0,6 %) est l’une des plus faible de France.
Deux domaines doivent être distingués (SIG-beauce) :
- La nappe captive bénéficie d’une protection géologique efficace et est, de ce fait, indemne de pollution diffuse liée aux activités humaines. Cela concerne la partie sud-est du territoire. On y observe néanmoins quelques éléments d’origine naturelle indésirables ou toxiques à des teneurs dépassant parfois les normes de potabilité : fer, arsenic ou sélénium.
- La nappe libre est vulnérable aux activités de surface. L’agriculture céréalière étant prépondérante sur une partie importante du territoire, on y observe une pollution agricole diffuse significative.
Une partie du territoire de la nappe est classée par arrêté préfectoral en zone vulnérable (la délimitation des zones vulnérables concerne les secteurs où les eaux présentent une teneur en nitrates approchant ou dépassant le seuil de 50 mg/L et/ou ont tendance à l’eutrophisation (prolifération des algues).
Des programmes d’actions y fixent des règles relatives aux pratiques agricoles, à la fertilisation et à la gestion des terres. Le périmètre des zones vulnérables et les programmes d’actions sont révisés tous les quatre ans à l’issue d’une campagne de surveillance de la qualité des eaux. Les données recueillies par les trois campagnes de surveillance nitrates 1992, 1997 et 2000-2001 justifient le classement des communes actuellement en zone vulnérable et attestent d’une dégradation continue des eaux.
Un Décret (n°971133 du 8 décembre 1997) relatif à l'épandage des boues issues du traitement des eaux usées existe, réglementant ces épandages dans les zones vulnérables : décret sur épandage des boues, des arrêtés préfectoraux régissent ces épandages.
L’urgence des actions à entreprendre et l’ampleur des moyens financiers à consacrer à la restauration de la qualité des eaux tant souterraines que superficielles ont été sous-estimés, du fait des mesures palliatives usitées (abandons de captage, dilution, nouveaux forages).
Jusqu'à présent, l'infléchissement de l'agriculture dans la voie du développement durable est timide en région Centre. Les progrès restant à réaliser sont importants dans de nombreux domaines, en particulier dans celui de la lutte contre les pollutions par les nitrates et les pesticides. Les actions engagées au titre de divers programmes sont nombreuses, mais dispersées et de portée limitée.
Des initiatives , des recommandations, des outils de pilotage
- Les agences de l'eau ont lancé une consultation du public sur l'eau afin de sensibiliser les citoyens sur les problèmes liés à l'eau : questionnaire : A votre avis?
- L'implantation de bandes enherbées est désormais obligatoire.
- Les cultures intermédiaires pièges à nitrates permettent de réduire efficacement le risque de pollution diffuse (elles couvraient à peine 1 % des superficies de production en 2000).
Plusieurs initiatives de sensibilisation et de conseils aux agriculteurs, fondées sur le volontariat, ont été développées afin de modifier les pratiques culturales responsables des pollutions diffuses et de mieux gérer l’utilisation des ressources en eau. Ainsi, avec AZOTE Mieux, la chambre d'agriculture du Loiret met à la disposition des agriculteurs un logiciel Net-Azote basé sur la méthode du bilan, paramétré aux situations du Loiret et adapté à l'année, permettant un calcul prévisionnel de fertilisation azotée, son objectif est d'allier : rentabilité, qualité et environnement.
Des programmes de type Irrimieux (actions agréées par l’Association nationale pour le développement agricole (Anda) sont mis en place dans de nombreuses zones.
Des outils de pilotage très performants sont depuis peu disponibles. Ils permettent à partir d'images satellites (estimant la quantité de matière sèche ) de donner les quantités précises à épandre à l'agriculteur, épandage piloté à partir de données GPS. Dans une même parcelle, l'agriculteur peut donc automatiquement moduler les quantités d'engrais à épandre.
Un exemple de carte départementale sur la qualité de l'eau distribuée : dans le Loiret, la zone vulnérable comprend 213 des 334 communes, pour environ 60% de la superficie du département ; cinq nouvelles communes ont été intégrées à cette liste en février 2003.
Pour en savoir plus :
Nitrates et santé | http://centre.sante.gouv.fr/drass/environ/o_conso/aep/no3.htm |
Des données sur votre commune | ADES |
Un bilan sur les nitrates | enquête pratiques agri diren.pdf |
Les cahiers régionaux de l'environnement de l'ifen :
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Les chambres d'agricultures | http://paris.apca.chambagri.fr/apca/somadr.htm |