Les marges passives.
La marge passive est une structure importante qui enregistre les premières étapes de la divergence. On trouve à la surface du globe différents types de marges passives, qui sont le reflet de processus géodynamiques différents enregistrés lors des étapes de leur genèse notamment dans leur couverture sédimentaire.
Les différentes marges passives.
Les forages réalisées dans les zones de Transitions entre le domaine Océanique et Continental (TOC) ont permis de distinguer 3 grands types de marges passives, réparties de manière relativement "anarchique" à la surface du globe (fig. 1) :
- Marge Passive Volcanique (V.P.M.)
- Marge Passive Pauvre en Magma (M.P.P.M.) aussi qualifiées d'a-magmatiques ou peu magmatiques.
- Marges transformantes (M.T.) et obliques.
figure 1 : Répartition mondiale des marges volcaniques (en rouge), a-magmatiques ou pauvres en magma (en bleu) et transformantes (en vert) (19).
Marges Passives Pauvre en Magma.
Les forages effectués sur les marges conjuguées de la Péninsule Ibérique et de Terre Neuve (fig. 3) montrent une structure asymétrique et appauvrie en magma. Les données sismiques et les forages (figs. 4 et 5) révèlent une vaste T.O.C. très hétérogène d'une centaine de kilomètres.
figure 3 . Localisation des transects sur la marge Canadienne et Ibérique replacés dans leur contexte géologique (12).
figure 4 . Profil sismique du transect Nord sur la marge de Galice et résultats des forages (O.I.D.P. leg 103)(12)
figure 5 . Profil sismique du transect Sud sur la marge de Galice et résultats des forages (O.I.D.P. leg 173) (12)
figure 6 . Photographie du Log 173 site 1068
Le socle de la marge de Galice est caractérisé par des zones d'exhumation de manteau. L'analyse des péridotites effectuée sur les carottages (fig. 6) montre qu'elles ont une composition différente des péridotites de la lithosphère océanique et sont plus proches de celles du manteau subcontinental.
Par ailleurs, elles sont intensément percolées et déformées (feuilletage). On retrouve aussi ces zones de manteau exhumé de l'autre coté de l'Atlantique le long de la marge Canadienne (figs. 7 et 8) sous forme d'un réflecteur sismique recouvert par les sédiments.
figure 7. Analyse des profils sismiques le long du transect Nord (12)
figure 8. Analyse des profils sismiques le long du transect Sud (12)
La synthèse(9,12) des travaux des transects Nord (fig. 9) et Sud (fig. 10) différencie donc un domaine proximal constitué de croûte continentale fracturée, qui est suivi d'une zone d'étranglement (Necking Zone) d'une 50aine de km où la croûte s'amincie jusqu'à environ 10 km d'épaisseur. Cette croûte isole parfois des "hauts topographiques" (ex : Flemisch Cap ).
La portion distale de la marge qui peut être très vaste (+ 200 km) est successivement constituée en allant vers le large :
- d'une zone de manteau continental exhumé serpentinisé où le moho n'est pas clairement visible.
- d'un domaine proto-océanique constitué d'un socle hybride. Ce socle hybride est initialement du manteau exhumé serpentinisé qui est affecté secondairement par des intrusions magmatiques sous forme de sills et d'un un sous plaquage de gabbros. Ce sous plaquage de gabbros est intercalé entre les serpentines du manteau exhumée, constitué de péridotites du manteau "océanique". Le volume de ce sous plaquage croit graduellement vers l'océan. Le magmatisme y est souvent alcalin, complexe et polyphasé.
Suit un domaine océanique stable composé par une croûte plus magmatique souligné par l'apparition d'un moho vrai. Le magmatisme est de type M.O.R.B. (Mid Oceanic Ridge Basalt).
figure 9. Schéma synthétique du transect Nord
figure 10. Schéma synthétique du transect Sud
Marge Passive volcanique
Dans l'Atlantique Nord entre le Groendland et la Norvège (fig. 11) la marge conjuguée est magmatique car dans le domaine distal on y distingue la présence d'importantes coulées volcaniques (fig. 12) sur des épaisseurs supérieures à 10 km (en rouge fig. 11) recouvrant la croûte continentale hyper-étirée. Dans ce type de marge on observe en sismique réfraction la présence d'un important corps de haute vitesse sismique Vp < 7.3 km.s-1 de nature magmatique sous la croûte hyper-étirée (en rose fig.11)(9,14,15,16).
figure 11. Schémas des transects réalisés au travers des marges NE du Groendland (gauche) et Voring / Lofoten-Vesteralen de Norvège (14).
figure 12. Log 60 forage ODP.104 au large de la Norvège.
La couche volcanique superficielle est appelée S.D.R. pour Seaward Dipping Reflector. Les forages montrent que les coulées volcaniques qui la compose, sont associées à d'importantes couches de cendres, elle sont donc issues d'un magmatisme sub-aérien (17). La signature géochimique des basaltes implique que le flux de magma à traversé la croûte continentale et s'est épanché sur le continent et vers la mer. Sur d'autres marges volcaniques (voir plus loin) la base de de le S.D.R. contient des des roches plus acides (andésites, dacites, rhyolites (18)) ce qui démontre que ce volcanisme se met en place sur une coûte continentale fortement amincie et réchauffée.
A la différence de la marge non volcanique, la zone d'étranglement et la partie distale sont donc recouvertes par les productions volcaniques de la S.D.R..
Marges transformantes et obliques
Les marges transformantes et obliques constituent 25 à 30% des marges passives mondiales mais sont beaucoup moins étudiées. Elles correspondent à la zone de transition au sein de la même plaque lithosphèrique entre une croûte océanique et une croûte continentale. Elles sont générées par des distensions obliques ou, dans certains cas, parallèles à la direction de la rupture de la croûte. On y décrit une pente continentale raide (20 à 30° au niveau de la marge du Ghana 25) et étroite (fig. 13). Sur une largeur de 10 km le Moho peut plonger de 10 à 12 km(27).
figure 13. Marge transformante Suriname-Guyane, A : localisation géographique, B : profil sismique interprété, C : schéma synthétique (26)
Les marges transformantes sont liées par des zones de transition avec les autres marges appelées intersections qui forment un coin interne (inner corner) et un coin externe (outer corner) (fig. 14). Elles accomodent l'obliquité entre la direction du déplacement relatif des plaques et l'orientation de la frontière de la plaque. Ces transformantes ne sont pas systématiques car dans certaines zones divergentes lentes, ces transformantes sont remplacées par des zones d'accrétion obliques.
figure 14. Organisation spatiale entre les marges passives divergentes DM et les marges transformantes TM de la marge du Ghana (25).
Les marges obliques, comme par exemple au niveau du Golf d'Aden (fig. 15), contiennent de nombreux segments de marges transformantes. Les segments ont des longueurs et des vitesses de développement différentes, on parle de marge oblique avec partitionnement. La cause de ce découpage est lié à l'angle entre l'axe de la frontière entre les deux futurs blocs continentaux et la direction générale de la divergence (c fig. 15).
figure 15. Carte structurale du Golf D'aden et reconstruction au début de l'extension(45).
De par cette répartition et les hétérogénéités de leur structure et de leur composition précédemment décrite résumées sur la figure 16, il semble évident que leur origine et leur condition de genèse sont profondément différentes.
(pour agrandir)(pour agrandir)
figure 16. Comparaison entre les structures d'une marge magmatique (à gauche), a-magmatique (au centre)(9) et transformante (à droite)
Les Hauts topographiques des marges passives.
La fracturation continentale conduit à la mise en place sur les marges de hauts topographiques constitués de croûte continentale, on en distingue différents types (table 1 & fig. 17) :
Type de bloc | Caractéristiques | Exemple type | Interprétation génétique | Etape de la formation |
micro-continent | bloc de croûte continentale d'une épaisseur > 15km ; isolé de la plaque continentale par un socle océanique | Jan Mayen (fig.18) | épais bloc de croûte et de lithosphère entouré par des zones plus fragiles, liées à des rifts en propagation ou à des plumes mantelliques. | Phase d'étirement et d'amincissement, exhumation magmatique |
rebond continental | bloc de croûte d'une épaisseur > 20 km, liée au continent | Flemisch Cap, banc de Galice, banc de Rockall | épais bloc de croûte et de lithosphère entouré par des zones plus fragiles, | Phase d'étirement et d'amincissement |
bloc allochtone d'extension | croûte d'une épaisseur > 5km, semelle mise en place par des failles d'exhumation |
Marge Ibérique (ODP1069) Piz Laviner (Alpes) |
Erosion tectonique d'un bloc H | Phase d'exhumation |
bloc H (hanging wall block) |
croûte d'épaisseur >20 km délimitée par des zones amincies et des failles d'exhumation, préserve les sédiments pré-rifts |
Marge de Terre-Neuve Est Briançonnais (Alpes) |
Clef de voute qui aide à la déformation localisée lors de l'étape d'amincissement. |
Phase d'amincissement exhumation |
outer high | Limite entre le domaine de transition et une croûte océanique franche, recouvert par des sédiments onlapps | Marge de Terre-Neuve ODP1276-1277 | Infiltration et sous plaquage magmatique associé à la rupture. | Rupture à l'exhumation, spreading magmatique |
figure 17. Modèles schématiques de la formation des différents Hauts topographiques continentaux dans les marges distales lors des étapes successives du rifting (13).
figure 18. Localisation du microcontinent Jan Mayen au large du Groendland et organisation crustale au travers de l'Atlantique Nord
Genèse des marges passives.
La vision classique de l'ouverture océanique (fig.19) se déroulait de manière assez symétrique en 3 phases : 1- étirement de la croûte continentale, 2 - début de la fusion partielle des péridotites par décompression, rupture continentale et pour finir 3 - l'expansion d'un fond océanique magmatique.
figure 19 . Évolution classique d'une océanisation (11).
Une Upper plate est caractérisée par un domaine de striction relativement étroit avec une terminaison crustale nette et une struture d'exhumation mantellique similaire à celle des core-complexes (fig.21 - MCC) recouverte par des grands bassins "perchés" entre les blocs basculés. On y distingue un haut topographique type H-bloc résiduel, découpé par une succession de failles normales en séries et de blocs basculés qui délimitent un graben standard. La sédimentation sur cette Upper plate est continue du préryft au synrift, c'est une sédimentation d'eau peu profonde lié à un faible espace d'accomodation au dessus du H-bloc (fig. 21).
Une Lower plate est caractérisée par un large domaine de striction, caractérisé par une succession de failles de détachement. Le domaine distal est constitué de plusieurs sous domaines de croûte hyper-étirée et exhumés. Le bassin situé au dessus de la faille de détachement distal présente un important espace d'accomodation qui reçoit des sédiments enregistrant 3 grandes phases ; les unités basales sont syn-tectoniques, les unités intermédiaires enregistrent l'élargissement et la migration de la déformation vers le domaine distal, enfin les unitées supérieures sont post-tectoniques.
figure 21 . Schéma résumant les principales différences entre les marges Upper et Lower Plates à partir de l'exemple de deux zones de la marge Angola-Gabon(46).
Cependant la répartition géographique des portions Upper et Lower est la aussi très "cahotique" puisque sur la même marge on peut observer la succession de domaines Upper et Lower (fig. 22). Les études ont pu mettre en évidence que latéralement on passe d'une Upper à une Lower par deux types de jonctions, soit par une coupure nette (sharp trasfert) par le biais d'une faille soit par une zone diffuse (diffuse transfert). Ce second type de frontière semble être le résultat de la délamination d'un haut topographique.
figure 22. Répartition des domaines Upper et Lower Plate sur la marge Angola-Gabon (46).
Cette structuration (fig.23) est tout a fait compréhensible si on conçoit la zone d'ouverture non pas comme une grande cassure mais comme le résultat d'une succession de pull aparts reliés mais à fonctionnement individuel (style marge oblique avec partitionnement). Ces systèmes en distension en dissociant des blocs crustaux, de composition et de structuration variées, capables de pivoter au dessus d'un soubassement ductile pouraient induire ce type de structuration de marge.
figure 23 . Représentation 3 D des variations latérales entre les marges Upper et Lower Plates (46).
Nous étudirons successivement les différentes étapes de l'ouverture des Marges Passives Pauvres en Magma, puis celles des Marges Passives Volcaniques avant d'évoquer les étapes conduisant à la mise en place d'une Marge Transformante.
Cas des Marges Passives Pauvres en Magma (M.M.P.M.s)
Les travaux récents (9,11,12,13,16,19) décrivent 5 phases : étirement, amincissement, exhumation, rupture lithosphérique et accrétion stable.
1 - Phase d'étirement (stretching, fig.24)
Cette phase se caractérise par le développement régional de failles listriques qui s'enracinent dans la croûte inférieure (parfois jusqu'au manteau) et affectent la croûte supérieure cassante induisant une déformation par cisaillement. La coûte peut être très faiblement amincie ce qui induit la mise en place de petits bassins sédimentaires discontinus découpés par des failles normales ou listriques en demi-grabens. Cette phase est de courte durée. De petits blocs peuvent êtres surélevés et leur couverture sédimentaire érodée.
figure 24 . Schéma d'une phase de streaching et profil sismique des dépôts sédimentaires déposés dans un bassin en phase d'étirement (marge de Norvège13).
2 - Phase d'amincissement et de couplage (thinning & coupling).
La déformation se focalise sur une zone moins étendue dont la croûte va s'amincir rapidement jusqu'à une dizaine de kilomètres d'épaisseur formant un domaine hyper-étiré. On en retrouve les traces aujourd'hui dans les "zones d'étranglement - necking domains" des T.O.C.. La déformation cassante de la croûte ne permet pas d'expliquer l'amincissement mais les profils sismiques permettent d'observer que la déformation n'est pas accomodée uniformément avec la profondeur et l'amincissement se réalise par le développement de failles de détachement. On peut étudier ces mécanismes à l'affleurement le long de la Cordillière Nord Américaine (20) où l'on peu observer l'exhumation de croûte continentale (C.C.C. : Continental Core Complexe, fig. 25).
figure 25. Localisation du C.C.C. du Nevada et schéma interprétatif des structures d'exhumation de la croûte profonde le long de la Cordillière d'Amérique du Nord(20).
Ce genre de détachement se produit grâce à une faille plane, bien définie de pendange inférieur ou égal à 30°. Il est caractérisé par la présence de brèches tranformées par un métamorphisme dans le faciès des schistes verts (à chlorite et épidote) dans la partie supérieure du détachement, constituée tous les types de roches crustales mylonitisées sur des épaisseurs de plusieurs centaines de mètres (fig. 26). Ces roches mylonitisées ont enregistré des faciès de haut grade avec des paragenèses à sillimanite et cordiérites pouvant parfois aboutir à des migmatites, l'ensemble ayant été remonté très rapidement lors de l'exhumation. Les minéraux se réorganisent pendant le fluage comme on peut l'observer sur les lames minces (fig.27). L'exhumation se déroule par le biais d'un roulement le long d'une charnière de détachement en fluant sur un chenal mylonitisé (fig. 28).
figure 26. Affleurement de deux domaines crustaux profonds exhumées montrant le plan de faille et le fluage des blocs le long de la surface mylonitisée(20).
figure 27. Observation de quartz étirés et partiellement recristallisés et de micas allongés dans les mylonites (20).
figure 28 . Schéma simplifié des mécanismes intervenant dans la mise en place d'un C.C.C. (20).
Ce processus d'amincissement, limité dans le temps, peut conduire à la disparition des niveaux ductiles permettant aux failles de traverser la totalité de la croûte continentale et d'atteindre le moho. Cette phase va permettre le couplage entre le reste de la croûte et le manteau supérieur permettant l'hydratation du manteau supérieur et initier la serpentinisation (fig. 29). La semelle de péridotite serpentinisée permettrait ensuite l'initiation de système de détachement.
figure 29. Schéma synthétique de la phase d'amincissement crustal jusqu'au début du couplage et éléments du profil sismique montrant le couplage (19,20)
3 - Phase d'exhumation.
Dès que la croûte continentale hyper-étirée se rompt, les systèmes de détachement vont pouvoir exhumer de vastes portions de manteau subcontinental (fig. 30). On ne distingue donc plus de Moho. Le socle exhumé, d'une épaisseur comprise entre 2 et 4 km (évalué par sismique), est serpentinisé. De petits pointements magmatiques éparses peuvent apparaître en surface du manteau et des corps gabbroïques se mettent en place dans le manteau exhumé. Ce magmatisme lié à la décompression est de type M.O.R.. Le volume de magma émis augmente avec l'éloignement par rapport au continent et la composition de ce magma évolue en parallèle ce qui laisse entrevoir des modifications au niveau lithosphèrique. L'évolution de ces fonds est polyphasée, asymétrique et voit la déformation se déplacer vers le large.
figure 30. Schéma synthétique de la phase d'exhumation du manteau subcontinental et profil sismique de la marge Ibérique (19, 20)
Un modèle numérique récent(44) associe la croissance de la marge à la migration de l'état d'équilibre du rift qui déplace une zone d'activation de failles séquencielles dans la croûte supérieure, du continent vers le futur océan. Ce déplacement est couplé à un flux affectant la croûte inférieure (fig. 31). La vitesse de déplacement conditionne la forme des marges conjuguées, notamment leur étirement, la fusion partielle et les flux crustaux de matière.
figure 31. Modélisation des processus de migration du rift sur une marge peu magmatique; 1 a-e : synématique, f : corelation avec la marge conjuguée Brézil-Angola; 2: Modèles numériques ; Interprétation et mise en évidence de l'influence de la vitesse de déplacement du rift (de 4 à 10 mm.an-1).
4 - Phase de rupture lithosphèrique (breakup).
Cette phase est une étape importante qui consiste au passage latéral entre une lithosphère continentale et une lithosphère d'origine océanique (fig. 32). Des études montrent que le passage entre des péridotites subcontinentales et des péridotites enrichies et refertilisées par imprégnation de M.O.R. est une étape progressive avant la mise en place de la première croûte océanique stable. C'est un processus graduel qui conduit à la formation d'une croûte hybride.
figure 32 . Schéma synthétique de la phase de rupture (20).
5 - Océanisation
Le début de l'accrétion, pris dans le sens de croissance de la lithosphère océanique, n'est pas forcément lié à la mise en place d'une croûte magmatique puisque nous avons pu mettre en évidence dans un autre chapitre l'existence de fond océanique peu magmatisé comme c'est le cas dans les rides lentes. Selon Cannat (16) l'accrétion océanique ne démarre que quand le régime thermique de la zone de divergence des plaques ne dépend plus que de l'équilibre actif entre l'apport de chaleur (principalement magmatique) et le refroidissement (hydrothermal et conductif). Cet équilibre n'est donc possible que si la divergence est déjà localisée de façon durable. Cette définition offre la possibilité de concevoir tous les types "d'accrétions océaniques" qui seront développés plus loin.
Cas des Marges Passives Volcaniques (V.P.M.s)
Les marges passives volcaniques caractérisent la rupture continentale dans les Large Igneous Provinces (L.I.P.s) c'est à dire les régions à l'aplomb d'un point chaud (magmatisme de plume, en rouge fig. 33)(15, 21).
figure 33. Carte de la répartition des Larges Igneous Provinces depuis l'assemblage de la Pangée (320 Ma)(21).
L'exemple actuel en activité est celui des Afars. Des études montrent que dans ce type de site, contrairement aux idées reçues, ce n'est pas une extension significative de la lithosphère qui a initiée le mécanisme fusion partielle (fig. 34). Dans ces zones, la fonte précoce de la lithosphère sous l'effet de la plume, produit des pièges volcaniques qui couvrent de larges zones du craton continental ou de ses bordures sur des surfaces supérieures à 100 km2. Dans ce type de marge on différentie une phase de dilatation, suivie d'une phase d'étirement, une phase d'expansion continentale précédant l'expansion océanique (fig.35).
figure 34 . Schéma explicatif de l'initiation de la rupture des Afars par la mise en place d'une déformation liée à la plume.
figure 35. Modelisation de l'évolution temporelle de la lithosphère soumise à l'érosion thermique d'une plume asthénosphèrique et d'une permanente intrusion thermique (dikes au travers de la coûte) 1 & 1' conditions initiales, 2 & 2' évolution rhéologique de 3 sections successives de la croûte, 3 & 3' limite thermique entre la lithosphère et l'asthénosphère, 4 & 4' évolution topographique conduisant au rifting(46).
1 - Phase précoce : phase de piège
La première phase est associée à une intense dilatation de la croûte qui ne produit cependant qu'une extension tectonique mineure. Cette dilatation massive de la croûte est le résultat de la mise en place de dikes intra-crustaux (fig. 36). La concentration de ces dikes favorise l'extension de la lithosphère qui va être réchauffée dans sa partie supérieure (ramollissement thermique), bien que sa partie inférieure soit stabilisée par la mise en place de sills sub-horizontaux mais assez épais (formations magmatiques empilées sur 2 km d'épaisseur).
figure 36 . Schéma simplifié de la phase de dilatation (15)
2 - Phase d'étirement et d'amincissement lithosphèrique
Les données sismiques permettent d'observer des zones étroites de striction syn-magmatique de la croûte supérieure (fig. 37). Le Moho n'est pas à une profondeur homogène dans toute la zone. Au coeur de la zone il est le plus profond (33 +/- 1 km) et remonte en périphérie (25 +/- 1 km). On distingue ainsi l'individualisation d'un Bloc Continental crustal central (C-bloc) encadré de zones de strictions de la croûte inférieure injectée de magma. En surface se mettent en place des coulées volcaniques formant les S.D.R. (Seaward Dipping Reflector, fig. 38) et en profondeur des formations plutoniques L.C.B.s (Lower Crustal Bodies). Ce sont des cumulats gabbroïques à olivine, produits par la fusion partielle du manteau. Dans certaines marges ces formations profondes sont associées, dans des proportions assez importantes, à des restes de la croûte continentale inférieure de faciès de haute pression (granulites et éclogites)33; ceci qui montre que leur mise en place ne nécessite pas obligatoirement un important gradient thermique en relation avec la plume mantellique.
figure 37 . Schéma simplifié de la phase d'étirement (15)
figure 38 . Dynamique des mécanismes d'étirement (15)
3 - Phase d'expansion continentale.
Pendant cette phase le "bloc C" se fragmente et s'étale à cause du cisaillement intense; d'autres S.D.R. plus superficiels se mettent en place (fig. 39). On observe cette structure sur les profils sismiques au larges de la côte d'Argentine (fig. 40).
figure 39 . Schéma simplifié de la phase d'étirement(15)
figure 40. Profil sismique et interprétation de la marge volcanique d'Amérique du Sud (18)
Le bloc-C disséqué va produire différentes structures crustales dans ces marges hyper-étirées (cf hauts topographiques) qui peuvent dans certains cas être émergées et érodées. Ces conditions de mise en place ont été validées par les modélisations d'ouverture sous point chaud réalisées par Geoffroy(15) (fig. 41). Ces modélisations corroborent les observations sismiques, les résultats des forages et les observations directes effectuées tant sur les marges conjuguées de la Norvège et du Groendland que dans l'Atlantique Sud au niveau de les marges conjuguées Argentine-Brésil et de Angola-Gabon(18).
figure 41. Modélisations des étapes d'évolution d'une marge passive volcanique (15)
4- Phase d'expansion océanique.
La mise en place d'une croûte océanique n'est pas forcément la suite logique de l'hyper extension continentale. Par exemple, l'accrétion océanique ne démarre dans l'océan Atlantique Nord que quand un changement cinématique intervient. La déformation migre vers le domaine océanique et la composition des roches magmatiques change (table 1)(24). Les profils sismiques et les modélisations suggèrent une rupture brutale au niveau d'une région d'étirement et de magmatisme différentiel (fig. 42) qui vont entraîner des zones de faiblesse du socle. La mise en place d'une croûte océanique serait favorisée par les sous plaquages gabbroïques sous le front de serpentinisation, l'insertion dans le manteau serpentinisé de filons conduisant à des épanchement en surface de laves.
photographies de la portion de carottage | |
---|---|
94 Tuff | |
95 Tuff | |
102 Dacite | |
103 Dacite | |
104 Dacite et sommet du sill tholéiitique | |
105 Base du sill tholéiitique et dacite | |
106 Dacite | |
107 Igninbrite et sill tholéiitique | |
108 Base de l'ignimbrite et coulée d'andésite | |
109 Niveau de sédiments volcano-siliclastiques intercalés entre des coulées andésitiques | |
110 Coulées andésitiques |
table 1. Interprétation et photos des carottages du forage O.D.P. 104 sur la marge passive de Norvège.
figure 42. Schémas synthétiques des phases magmatiques successives sur la marge passive de Norvège pendant les étapes de l'ouverture (d'après 24).
Les marges passives volcaniques sont donc définies par une forte activité magmatique alors que les marges peu magmatiques ne présentent que de très faibles injections de magmas, la quantité de magma présente dans une marge dépendra de l'état thermique de la lithosphère, de la composition du manteau associé et du taux d'expansion lors du rifting. Cependant, la réalité n'est pas si simpliste (22) car, d'une part les apports magmatiques peuvent varier latéralement sur une même marge (fig. 2); d'autre part, certaines marges peuvent être peu magmatiques pendant le rifting mais magmatiques pendant l'accrétion (ou l'inverse). Les mécanismes d'accrétion sont donc traité dans un autre chapitre.
Cas des marges transformantes.
La marge transformante se met en place au sein d'un continent (étape intra continentale) entre deux rifts divergents qui s'individualisent et auxquels elle est reliée par les coins (corners) (fig. 14). Les différents travaux menées sur ces marges (25) montrent aussi une très grande hétérogénéité de leur genèse. Elles peuvent se mettre en place avant ou après les phénomènes de rifting et se différencier sur des zones déjà fragilisées ou non. Généralement la marge transformante va croître avec la croissance des rifts divergents ce qui va entraîner le glissement des deux bords continentaux l'un par rapport à l'autre (fig. 43), jusqu'au moment ou les lèvres continentales seront en contact avec de la croûte océanique. A la fin de cette phase, la zone active ne concernera plus que le coulissement de deux domaines océaniques.
figure 43. évolution cinématique du marge transformante (25)
De récents travaux de modélisation suggèrent que le découpage de la croûte en distension en secteurs individuels par des marges transformantes modifie les flux mantelliques et peut être responsable des épendages magmatiques abondants (S.D.R.s) au niveau des marges magmatiques. La sectorisation entraine un retard dans la propagation des flux thermiques et donc la propagation des zones de fusion partielle (fig.44). Elle intensifie en amont de la zone transformante la genèse de productions magmatiques. Ces travaux montrent bien les inter-relations étroites entre les différents types de marges et la nécessité de prendre en compte tous les facteurs géodynamiques et stratigraphiques pour tenter une interprétation d'une ouverture océanique.
figure 44. Relations entre les barrières transformantes et l'exces de magmatisme sur les marges en rifting, modélisation de la propagation au travers de 3 compartiments crustaux découpés par deux systèmes transversaux. 1a caractéristiques de la croûte, 1b migration de la déformation, 1c isotherme 1300°C, 2a température, fraction fondue et vélocité au travers des segments au niveau de l'axe du rift, 2b champs de vitesse sous l'axe du rift, 3 évolution de la l'épaisseur de croûte fondue au cours du temps, 4 carte des marges conjuguées Sud Atlantiques, localisation des LIPs et des zones de fractures transformantes.
Couverture sédimentaire des marges passives en formation.
Classiquement découpée en 3 grandes phases de sédimention : anté-rift, syn-rift et post rift (nommenclature classique 43), les dépots sur une marge en formation enregistraient les phases classiques d'une ouverture océanique. Ainsi :
- les sédiments prérift (antérifts) correspondent aux dépôts avant toute déformation liée au rifting, tout comme la croûte continentale sur laquelle ils reposent ils sont faillés et basculés durant la phase de rifting.
- les sédiment synrifts sont des dépôts mis en place au cours du rifting c'est à dire pendant l'activité tectonique d'extension, ils forment des éventails sédimentaires aux pieds des failles.
- les sédiments postrift sont les premiers sédiments à se déposer sur la croûte océanique, ils recouvrent donc la marge en lissant la topographie, ils sont sub-horizontaux sans aucun épaississement ni convergence des réflecteurs.
Cependant avec la redéfinition des marges et des étapes de leur mise en place, grâce à l'affinement des données des profils sismiques et des forages, il est devenu nécessaire de redéfinir les dépôts et de prendre en compte les diachronismes (fig. 45).
figure 45. Relations géométriques des sédiments, phases tectoniques et diachronisme(9).
Ainsi les structures en éventail précédement interprétés comme des séquences synrift ne sont pas limitées au domaine continental car on les observes sur toute la T.O.C et sur la croûte océanique. Ce genre de structure sédimentaire doit être qualifiée de sédiments syn-tectoniques (figs. 46 - 48).
Selon les travaux récents (9, 13, 19, 22, 42), il est préférable de distinguer les sédiments
- qui se déposent sur la marge proximale de ceux qui se déposent sur la marge distale.
- qui sont liés au basculement des blocs de croûte continentale de ceux qui sont produits par les mécanismes d'exhumation mantelliques.
De plus, la discordance sédimentaire de breakup est diachrone et peut s'étendre temporellement sur plusieurs millions d'années (20 Ma sur la marge Ibérique). Pour finir, les dépôts mis en place sur deux marges conjuguées ne vont pas avoir les mêmes formes de réflecteurs Il est donc nécessaire de faire attention à l'interprétation des formations sédimentaires.
figure 46 . Evolution de la compréhension de la géométrique des formations sédimentaires (9).
figure 47. Géométrie des formations sédimentaires et étapes tectoniques (9)
figure 48. diachronisme des sédiments et exhumation(9).
Des niveaux réflecteurs sont recherchés pour faire des corrélations dans les profils sismiques (fig. 49) (19).
- T.P.R.S. est le reflecteur "Top Pré-Rift Sequence" et correspond à au toit du dernier dépot avant le rifting. Il existe sur les deux marges conjuguées. Au niveau de la marge distale, il n'est pas continu, localement érodé et peut donc correspondre à une surface d'érosion ou à un hiatus. Leur disparition successive permet la localisation assez précise de la mise en place de nouvelles unités de socle. Dans certains cas (basculement de bloc) il peut recouvrir de la croûte ou du manteau exhumé.
- T.S.T.S.s sont les "Top Syn-Tectonique Sequences" qui correspondent aux toits des séquences syn tectoniques. On en définit un par phase de rifting. Ce sont des surfaces complexes pouvant être fortement érodées qui peuvent être absentes dans la partie distale de la marge. Ils sont d'autant plus jeune qu'ils sont situés vers le bassin.
- B.P.R.S.: le réflecteur "Base Post-Rift Sequence" correspond aux premiers dépots base des sédiments posts rift c'est à dire mis en place après le début de l'accrétion. Ce réflecteur est souvent diachrone.
figure 49 . Modèle stratigraphique simplifié des marges pauvres en magma conjuguées.