Géosciences

La déformation de l’olivine mieux comprise

Un nouveau dispositif permet de mesurer dans des conditions de contraintes fiables et à basse température la façon dont se déforme l'olivine, l’un des principaux composants du manteau terrestre.

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La dérive des continents est-elle sur le point d’être mieux décrite ?  Une équipe animée par Patrick Cordier, de l’université de Lille vient de réussir à observer au microscope électronique le déplacement des dislocations dans un nanocristal d’olivine, l’un des principaux silicates constituant le manteau terrestre jusqu’à 400 kilomètres de profondeur.

Une dislocation est un front de cisaillement (d'interruption des liaisons interatomiques) qui, en se propageant dans un cristal le déforme de manière irréversible. Les dislocations se forment lorsque le matériau cristallin est soumis à une contrainte (choc, compression, étirement, etc.). Au cours de leurs déplacement, les dislocations présentes dans le minéral interagissent entre elles, s’enchevêtrent et tendent à s’accumuler aux interfaces entre les grains cristallins. À l’échelle macroscopique, tout semble se passer comme si la roche – un agglomérat de grains cristallins – « s’écoulait » pour se déformer en cédant ainsi sans rompre aux forces imposées.

Cette ductilité explique la capacité du matériau composant le manteau supérieur à se déformer sous l’influence des contraintes induites par le déplacement des plaques tectoniques. En 2013, l’étude de la ductilité de l’olivine à une température de 850 à 1100°C a révélé une résistance moindre que celle que l’on attendait, ce qui pourrait expliquer que les contraintes supposées régner dans le manteau suffisent à déformer ce minéral.

Toutefois, ces expériences sont difficiles à reproduire aux températures plus basses caractérisant la partie la plus superficielle du manteau, au contact de la croûte terrestre. Pour éviter que le cristal d’olivine ne se brise aux basses températures, il faut ajouter à la contrainte exercée dans le sens de propagation des dislocations une très forte pression pour maintenir l'ensemble. Les contraintes réellement exercées sur l’olivine sont mal maîtrisées.

Pour y remédier, l’équipe de Patrick Cordier a utilisé un nouvel appareil de tirer aux
deux extrémités de cristaux d’olivine de taille nanométrique sans le briser. L’emploi de ces minuscules échantillons permet d’éviter la propagation de fractures, de sorte qu’aucune pression de maintien n’est nécessaire, même à température ambiante. Cela permet d’observer le mouvement des dislocations directement au microscope électronique par transmission.

Les chercheurs ont ainsi obtenu des images des dislocations en train de se propager dans l’olivine, et plus généralement, un moyen de mesurer et, par là, de décrire de façon fiable la façon dont l’olivine « s’écoule » pour se déformer sans rompre. Cette connaissance de la ductilité de l'olivine est essentielle pour améliorer les modèles numériques qui décrivent la façon dont les roches mantelliques se déforment pour rendre possible le glissement
des plaques tectoniques.

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François Savatier

François Savatier est rédacteur spécialisé en archéologie et paléontologie à Pour la Science. Il a coécrit avec la paléoanthropologue Silvana Condemi Néandertal mon frère (Flammarion, 2015), Dernières nouvelles de Sapiens (Flammarion, 2021) et L’énigme Denisova (Albin Michel, 2024).

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Références

H. Idrissi, C. Bollinger, F. Boioli, D. Schryvers, P. Cordier, Low-temperature plasticity of olivine revisited with in situ TEM nanomechanical testing, Sci. Adv. 2016; vol. 2 : e1501671, mars 2016.

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