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Respirez profondément et sentez ce précieux mélange d’azote et d’oxygène emplir vos poumons. Pourtant, l’air n’a pas toujours été riche en oxygène, indispensable pour vivre. De nombreux indices géologiques indiquent que la concentration en oxygène dans l'atmopshère, initialement très faible, a commencé à augmenter progressivement durant le protérozoïque (- 2,5 milliards à - 541 millions d'années), pour grimper en flèche au Cambrien (- 541 à - 385 millions d'années), en même temps que le développement de la vie pluricellulaire. Mais « l'explosion de la biodiversité Cambrienne » est-elle la cause ou le résultat de l’augmentation de la teneur en oxygène ? Une étude menée par une équipe internationale, dont fait partie Christophe Lécuyer, du Laboratoire de Géologie de l’université de Lyon, penche dans ce dernier sens. En analysant un échantillon de l’atmosphère datant de 815 millions d’années, les chercheurs ont découvert que la concentration en oxygène était déjà bien plus élevée qu’on ne le pensait avant le Cambrien.
La pierre de sel, que les géologues appellent halite, est une archive naturelle précieuse pour l’étude des environnements passés, car en se formant à l’interface entre l’air et l’eau saumâtre, elle capture l’air dans des bulles étanches complètement isolées de l’atmosphère. Les chercheurs ont trouvé des fragments de halite sous une couche de sédiments d’environ un kilomètre de profondeur dans le sud-ouest de l’Australie. Ils sont parvenus à déterminer leur âge – approximativement 815 millions d’années – en datant les couches sédimentaires où ils étaient situés.
Les chercheurs ont ensuite brisé les cristaux de halite dans une chambre à vide pour libérer le contenu des bulles. Grâce à un spectromètre de masse, ils ont alors déterminé la concentration en oxygène de cet air primitif. Le résultat est surprenant : les échantillons contiennent 10,9 % d’oxygène, soit 5 fois plus que ce qui est habituellement estimé pour l’atmosphère d’il y a 800 millions d’années (et équivalent à la moitié de la teneur actuelle, de 20,9 %).
Parallèlement, une autre étude, menée par une équipe franco-brésilienne de l'Institut de physique du globe à Paris, du laboratoire Domaines océaniques de Brest et des universités de Sao Paulo et de Bélem, a mis en évidence le rôle de bactéries exploitant le soufre dans l'augmentation de l'oxygène dans l'atmosphère et l'océan au Néoprotérozoïque (– 1000 à – 541 millions d'années). En analysant les composés souffrés dans des sédiments (des pyrites et des sulfates), les chercheurs ont estimé que ces bactéries auraient été responsables d'une baisse de 50 % des sulfates dissous dans l'océan. Utilisant ces sulfates comme oxydant dans une respiration anaérobie (sans oxygène), ces bactéries auraient donc « épargné » l'oxygène produit par les organismes photosynthétiques, ce qui aurait permis l'augmentation du taux atmosphérique.
Ces résultats suggèrent donc que l’oxygène était déjà présent en quantité importante dans l’atmosphère (et donc dans l’océan) bien avant l’explosion de la vie pluricellulaire à l’aube du Cambrien.
