Le Giec vient de publier le deuxième volet de son 6e rapport, consacré aux conséquences du changement climatique, auquel a contribué Gonéri Le Cozannet, expert BRGM.
28 février 2022

Faire l’état des connaissances sur le changement climatique : c’est l’objectif du 6e rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Après le rapport du groupe 1, sorti en août 2021, qui portait sur la connaissance du climat, le rapport du groupe 2, qui vient d’être publié, se concentre sur les impacts du changement climatique, les risques associés et les stratégies d’adaptation.

Le rapport, auquel 270 auteurs ont contribué pendant 4 ans, s’organise en chapitres thématiques (sur la ville, l’océan, les écosystèmes terrestres, la santé…) et régionaux (organisés par grandes régions du monde).

Gonéri Le Cozannet, co-auteur du rapport du Giec sur les conséquences du changement climatique et les stratégies d’adaptation

Gonéri Le Cozannet, expert au BRGM sur le changement climatique et co-auteur du 2e volet du 6e rapport du Giec, sorti en 2022, revient sur le contenu de ce rapport.

© BRGM

Le 2e volet du GIEC porte sur les conséquences, les risques du changement climatique et les moyens de s'y adapter. Je suis Gonéri Le Cozannet, je travaille sur les questions d'impact du changement climatique, sur les risques, notamment côtiers : érosion du littoral et submersion marine. Le rapport du GIEC, c'est un rapport qui fait l'état des connaissances sur l'état du climat, sur les conséquences du changement climatique, les moyens de s'y adapter et les moyens de l'atténuer. C'est un rapport qui est la référence la plus précise et la plus actuelle dont on dispose à l'instant T pour faire l'état des lieux de ce qu'on sait sur ce changement climatique. Par exemple, pour le rapport auquel j'ai contribué, le rapport du groupe 2 du 6e cycle du rapport du GIEC, ce sont 270 auteurs qui ont travaillé pendant 4 ans sur un rapport qui a été revu 4 fois par des experts et par des gouvernements. Et ce rapport a un résumé pour décideurs qui va être approuvé ligne par ligne. Le rapport du groupe 1, il porte sur la connaissance du climat. Qu'est-ce qu'on sait aujourd'hui sur le climat ? On sait que le climat se réchauffe : il s'est réchauffé de 1,1°C par rapport à la période préindustrielle au XIXe siècle. On sait que 100 % de ce changement climatique que l'on observe est dû aux émissions de gaz à effet de serre de l'homme, donc aux secteurs comme le transport, l'agriculture, l'industrie, la production d'énergie, etc. On sait également qu'on observe de plus en plus de conséquences en termes d'événements extrêmes, notamment des extrêmes de chaleur, de précipitations, comme en 2016 en région parisienne et dans le Loiret. Et on sait également que pour atténuer ce changement, pour ne pas dépasser les 1,5°C, considéré comme un seuil dangereux de changement climatique, il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre radicalement. Il nous reste moins de 12 ans d'émissions au rythme actuel d'émission. Ça, ce sont les conclusions du rapport 1. Et donc, ça met en évidence l'urgence de procéder aux politiques climat sur lesquelles les États se sont mis d'accord dans l'accord de Paris de 2015. Le 2e volet du GIEC, c'est celui qui porte sur les conséquences, sur les impacts, les risques du changement climatique et les moyens de s'y adapter. C'est un sujet sur lequel on a des rapports qui portent sur la ville, sur l'océan, sur les écosystèmes terrestres, sur la santé. Et également des rapports régionaux : l'Europe, l'Amérique du Nord, l'Océanie, l'Afrique, etc. Et puis également quelques rapports qui sont sur des questions extrêmement spécifiques, comme la montagne, les moyens d'atteindre les objectifs de développement durable tout en respectant une politique de climat. Sur ce rapport du 2e volet, on peut dire qu'il y a des choses qui étaient connues avant. On sait que le changement climatique a des conséquences sur les précipitations, les précipitations extrêmes les vagues de chaleur, notamment les risques de retrait-gonflement des argiles. On sait qu'il cause une élévation du niveau de la mer qui commence à avoir des effets. Aux États-Unis, ils observent des submersions à marée haute de plus en plus fréquentes, qui sont la conséquence de l'élévation du niveau de la mer combinée avec une subsidence du sol. On sait que ça, ça va se généraliser, par exemple, dans les dizaines d'années à venir. Donc on en sait déjà beaucoup, avant la parution de ce rapport, sur les conséquences du changement climatique. Et au fur et à mesure que le changement climatique se poursuit et s'accélère, on observe de plus en plus de choses. Donc on a de plus en plus d'évidences que ce que l'on avait prévu il y a 20 ans se réalise aujourd'hui. Les géologues sont des experts de l'histoire du climat, donc tous nos collègues connaissent parfaitement cette histoire. Donc dans le 1er rapport du GIEC, beaucoup d'éléments de paléoclimatologie sont intégrés. Le BRGM travaille sur les risques et sur les ressources en eau. On sait que le changement climatique va avoir des effets majeurs sur le cycle de l'eau, donc nos collègues qui travaillent sur les ressources en eau souterraine sont les 1ers qui peuvent fournir des solutions d'adaptation telle que la recharge des aquifères. Du côté des risques, on a plusieurs éléments. Les canicules, par exemple, causent le phénomène géologique de retrait-gonflement des argiles qui crée des fissures dans les maisons. Ça s'est passé en 2003. La canicule de 2003 a été formellement attribuée au changement climatique. Ça, nos collègues qui travaille sur les argiles évidemment travaillent dessus. Il y a d'autres conséquences du changement climatique. Par exemple, les saisons sèches augmentent en Méditerranée, et favorisent les feux de forêt. En favorisant les feux de forêt, ça peut également accentuer l'érosion des sols. Tout ça, ce sont des risques dits "en cascade". Et une des spécialités du BRGM, ce sont ces risques en cascade. Par ailleurs, en plus de l'évaluation des risques, il y a aussi fournir des moyens de s'adapter. Et il y a tout un mouvement en France et dans le monde pour créer des services climatiques qui vont aider des acteurs comme des entreprises, des collectivités à s'adapter au changement climatique. Ces services climatiques sont amenés à se développer parce qu'aujourd'hui, on sait qu'il y a un fossé entre les besoins en adaptation et ce qu'on investit dans l'adaptation. Ensuite, sur l'atténuation du changement climatique, donc réduire les émissions de gaz à effet de serre, le BRGM contribue à travers deux technologies : la géothermie et le stockage géologique de CO2. C'est des choses très importantes pour la transition énergétique. J'ai contribué en fait au rapport Europe et au rapport transverse sur la Méditerranée. Et j'ai aussi eu une contribution dans le rapport océans, c'est une synthèse sur l'élévation du niveau de la mer et les moyens de s'adapter. Dans ce type de rapport du GIEC, on est 270 personnes, ce qui paraît beaucoup, mais c'est peu par rapport au nombre de sujets qu'on doit couvrir. Donc on fait appel à de nombreux collègues, les "contributing authors", qui fournissent de petites contributions sans avoir accès à tout le rapport du GIEC, mais qui nous aident à bien couvrir leur sujet de spécialité. En tant qu'auteur du GIEC, on ne doit pas se limiter à son sujet de prédilection. Moi, c'est l'élévation du niveau de la mer et le risque côtier. On doit également couvrir ces sujets, et donc aider à assimiler les contributions qui sont faites par ces contributing authors. J'ai donc aidé pour tout ce qui concernait la ville, les migrations et également les risques clés, par exemple sur des villes emblématiques comme Venise qui sont exposées à la montée des eaux. Comment devient-on coauteur du GIEC ? D'abord, une chose importante à préciser : tout chercheur qui travaille sur le climat contribue au rapport du GIEC. Sans les articles qui sont publiés sur le changement climatique, sur les impacts, l'adaptation, l'atténuation, il n'y a pas de rapport du GIEC. C'est un rapport scientifique, donc il se base sur ces articles. Donc si vous êtes chercheur, vous publiez, donc vous contribuez au rapport du GIEC. Ensuite, pour devenir formellement auteur du GIEC, il y a un appel à candidature qui est effectué au début de chaque cycle du rapport du GIEC. Donc voilà, j'ai postulé pour être coauteur du GIEC. Et une sélection est effectuée, évidemment, sur la base de notre CV et des publications, mais aussi en respectant des équilibres, en particulier les équilibres hommes/femmes, les équilibres par régions parce qu'on a une sous-représentation des pays en développement et puis d'autres équilibres. Ça représente un effort important. Pour un universitaire, on considère qu'être lead author du rapport du GIEC, c'est-à-dire responsable de l'organisation de sections, c'est un tiers temps, approximativement. Quand on est coordinating lead author, le niveau supérieur, on coordonne un chapitre, moi, j'étais lead author, c'est quasiment un mi-temps. Et quand on est co-chair, responsable d'un rapport entier, par exemple le groupe 2, c'est à plein temps et même plus. Et ce temps demande à être soutenu. Donc là, j'ai bénéficié du soutien du BRGM et de ma direction pour rédiger ce rapport du GIEC.

Gonéri Le Cozannet est expert au BRGM sur les impacts du changement climatique, et notamment les risques côtiers (érosion du littoral et submersions marines). En tant que co-auteur ("lead author") du 2e volet de ce 6e rapport du Giec, il a contribué aux chapitres Europe et Régions méditerranéennes. Il a également produit une synthèse sur l’élévation du niveau de la mer et les moyens de s’y adapter qui est intégrée dans le chapitre relatif aux océans. Rémi Thiéblemont, un autre expert du BRGM sur les risques côtiers, a par ailleurs apporté une contribution au chapitre Régions méditerranéennes.

Que sait-on aujourd’hui sur le climat ?

  • Le climat s’est réchauffé d’environ 1,1°C depuis le 19e siècle.
  • 100% de ce changement climatique est dû aux émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, liées à des secteurs comme le transport, l’agriculture, l’industrie, la production d’énergie, etc.
  • On observe de plus en plus de conséquences de ce changement climatique, notamment sous la forme d’événements extrêmes, qu’il s’agisse d’extrêmes de chaleur ou de précipitations.
  • Pour ne pas dépasser 1,5°C de réchauffement, objectif fixé par l’accord de Paris sur le climat de 2015, et ainsi limiter les conséquences du changement climatique, il faut réduire de manière extrêmement importante les émissions de gaz à effet de serre.
  • L’adaptation est en progrès, notamment en Europe, mais elle demeure insuffisante face à la rapidité des changements observés.
  • Il existe aujourd’hui une fenêtre d’opportunité pour réaliser la transition énergétique, s’adapter aux effets inéluctables du changement climatique tout en atteignant les objectifs de développement durable. Cependant, cette fenêtre ne restera pas ouverte indéfiniment.

Le BRGM fortement impliqué dans les actions d’adaptation et d’atténuation du changement climatique

Le BRGM contribue aux efforts de la communauté scientifique pour évaluer les conséquences des changements globaux sur l’érosion des sols et du littoral, les submersions marines et remontées de nappes, les mouvements de terrain, ainsi que la ressource en eau. Il travaille à fournir les moyens de s’adapter aux impacts du changement climatique. Il participe également au développement de technologies s’inscrivant dans la transition énergétique et susceptibles de contribuer à l’atténuation du changement climatique (stockage géologique du CO2, stockage d’énergie, géothermie).